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généreux, n’abuse pas de ton empire : je suis sans courage contre ta douleur, tu le sais ; ne permets pas que j’y succombe ; laisse-moi tous mes droits à ton estime. Je n’ai pas mérité de les perdre en cédant à tes vœux, lorsque, me croyant libre, j’espérai voir bientôt notre union sanctifiée ; et d’ailleurs, cette faute, expiée par tant de larmes, le pardon d’un mourant l’a rachetée. Qui oserait se montrer plus sévère que lui ? Il m’a rendu le repos ; respecte ce bienfait, et ne tente pas d’avilir celle qui peut un jour devenir ton amie.

— Moi, t’avilir, te ranger au nombre des femmes qu’on méprise ? Non ! je préfère m’éloigner pour jamais de toi ; mais avant ce moment cruel, laisse-moi te répéter que toi seule m’as fait connaître les plus doux ravissements de l’âme ; que ta voix, ta présence me les rendent tous ; et, qu’en respectant aujourd’hui ta vertu, mes serments, je te sacrifie plus que ma vie.

— Ah ! ne me plains plus ! s’écria Lydie en levant au ciel des yeux brillants de joie ; ce moment t’acquitte de toutes mes peines. Mais, je n’ai plus la force de supporter tant… de… bonheur…

À ces mots, la pâleur de la mort couvrit ses traits, et elle tomba sans connaissance sur le sein de Gustave.

— Elle se meurt ! dit-il en jetant un cri d’effroi, elle se meurt !

Louise, qui venait chercher Alfred, entend ces mots ; elle accourt, s’empare de l’enfant, le dépose sur le lit de madame de Révanne, et revient aussitôt avec un flacon d’éther. Gustave le fait respirer à Lydie, qui bientôt se ranime et lève sur lui des yeux suppliants. Louise est retournée près d’Alfred ; et Lydie, qui se voit seule avec Gustave, le conjure de s’éloigner.

— Je ne souffre plus, lui dit-elle ; laisse-moi.

— Non, répondit Gustave en la pressant sur son cœur, je ne puis te quitter !

— Éloigne-toi, lui répétait Lydie avec effroi, ou demain je te haïrai.

— Demain, redit Gustave, demain ; c’est la mort ! Avant de la subir, rends-moi tous les biens de la vie.

— Alfred ! s’écrie Lydie en joignant les mains, Alfred ! viens au secours de ta mère !