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LXVIII


Gustave avait deviné juste : dès que sa cousine sut qu’il devait partir pour Dunkerque, elle se décida à rester près de madame de Révanne, pendant l’absence de son fils ; mais elle était convenue de partir avec sa tante pour B… quelques jours avant le retour de mon maître ; et, comme elle voulait s’enfermer à jamais dans le château de sa vieille parente, tout annonçait que Lydie et Gustave ne se reverraient plus. Cette triste pensée, jointe à toutes celles que lui faisait naître la chaîne qu’il allait traîner, plongeait Gustave dans un accablement qui ressemblait au désespoir.

La présence d’Alfred triomphait seule de sa sombre tristesse ; encore ne pouvait-il le contempler quelques moments, sans que des larmes vinssent obscurcir ses regards caressants. Il allait s’en séparer aussi ; et il lui jurait que, tout entier à sa tendresse pour lui, jamais un autre enfant ne la partagerait.

— Tu seras à la fois et mon fils et mon frère, disait-il. Je consacrerai ma vie à te sauver des malheurs qui m’accablent. Tu seras ma consolation, celle de ma mère ; et, peut-être, m’obtiendras-tu un jour le pardon de Lydie…

— Oui ; ne pleure pas, répondait l’enfant sans le comprendre.

Et il entourait de ses petits bras le cou de Gustave, et le comblait de caresses.

Bonaparte avait fixé son départ au 10 février ; et mon maître, devant le précéder de quelques heures, reçut l’ordre de commander ses chevaux pour la veille à minuit. Il y avait ce soir-là une grande réunion chez madame Bonaparte ; et c’est en revenant d’y conduire madame de Révanne que nous devions prendre la route de Dunkerque.

Gustave dîna ce jour-là chez sa mère ; et, comme c’était le dernier qu’il dût passer à Paris, il avait obtenu qu’Alfred dînerait, par extraordinaire, à table près de lui. L’enfant en