la marquise du désir qu’elle avait de dissimuler le vrai motif de sa visite, en laissant supposer qu’elle la devait à l’amitié qui le conduisait souvent chez elle, il arriva connue par hasard à l’heure du dîner, et parut si frappé du changement de Gustave, qu’il ne put s’empêcher de lui en témoigner sa surprise. Le malade en prit d’abord de l’humeur ; mais s’étant aperçu de l’effroi qui se peignit tout à coup dans les yeux de Lydie, il pardonna au docteur l’inquiétude qu’il voulait lui donner sur son état, et promit, en regardant madame de Civray, de ne plus rester si tard dans les bois, surtout quand il pleuvrait.
— Ce n’est pas assez, reprit le docteur, vous prendrez du quinquina, car vous avez la fièvre.
— Oh ! pour vos drogues, je n’entends point raison, reprit Gustave ; d’abord je n’y crois pas ; ensuite, eussent-elles le don de guérir, j’aime autant la maladie que l’ennui de les avaler. D’ailleurs je ne trouve pas la fièvre aussi douloureuse à supporter qu’on le prétend : la chaleur de l’accès double nos facultés en exaltant notre imagination, alors tout nous semble possible, on se croirait également capable de prendre une ville d’assaut, de faire un poëme épique, ou d’enlever sa maîtresse, et dans l’abattement qui succéde à ce délire n’éprouve-t-on pas une langueur divine ?
— Oui, la fièvre a du bon, dit M. de Saumery ; c’est dommage qu’on en meure.
— Qu’importe ?…
Gustave n’acheva pas ; car il vit la pâleur dont ce seul mot venait de couvrir le visage de sa mère. Ne sachant comment en détruire l’impression, il s’approcha du docteur, lui demanda pardon d’oser se révolter ainsi contre la médecine, et lui promit la plus grande docilité pour ses ordonnances dès qu’un danger réel le forcerait à y avoir recours.
— Eh bien, reprit M. Marcel, préparez-vous à m’obéir. Vous croyez pouvoir badiner avec ces fièvres nervalles ; vous verrez bientôt l’état où elles vous réduiront. C’est alors qu’il faudra vous résoudre à suivre un régime très-sévère, peut-être inutile, et dont vous vous seriez épargné l’ennui par quelques précautions. Mais voilà comme sont tous les jeune gens : ils