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LXVII


Madame de Révanne était rétablie, et sa maison se remplissait chaque jour de gens qui venaient la féliciter sur sa convalescence. Le capitaine Saint-Firmin, présenté par Gustave comme un de ses amis, avait reçu de sa mère un accueil obligeant, et cherchait à lui faire oublier chaque jour par d’aimables soins le triste événement qui lui avait valu le bonheur de la connaître. Cette affaire l’avait rendu, bien malgré lui, confident de la liaison de Gustave avec madame de Verseuil ; et il n’avait pu s’empêcher de satisfaire en partie le désir que son ami lui témoigna d’apprendre comment il était si bien instruit des démarches d’Athénaïs ; mais le capitaine, qui n’avait d’autorité à citer que l’indiscrétion d’Alméric, et qui redoutait une querelle entre eux, avait toujours répondu vaguement à ce sujet, et d’un air si embarrassé, que mon maître en avait conclu plus encore qu’on ne lui en dissimulait. C’est dans cette conviction qu’il avait revu madame de Verseuil ; aussi fut-elle frappée de sa froideur. Il avait choisi, pour retourner chez elle, le moment où il savait y trouver du monde ; et sa visite s’était passée comme toutes celles qu’il avait rendues le même jour ; à parler de la pièce nouvelle, du projet de descente en Angleterre, et du prochain départ du général Bonaparte pour Dunkerque ; seulement en parlant de ce voyage, madame de Verseuil avait dit à mon maître :

— Madame votre mère étant à peine rétablie, je ne pense pas que vous accompagniez votre général dans sa visite des côtes de l’Océan. Là où l’on ne se bat point, vous pouvez vous dispenser de le suivre ?

— Je vous demande pardon, madame, répondit-il ; la santé de ma mère ne me donne plus aucune inquiétude ; et je viens à l’instant même de me mettre à la disposition de mon général. Il m’a donné l’ordre de me tenir prêt à partir, et je crois que nous quitterons Paris cette semaine.