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— Je ne le crois pas, répondit M. de Léonville qui se trouvait là ; mais j’ai à vous parler d’une visite que j’ai reçue dernièrement, et dont je vous suis redevable.

À ces mots, je sortis de la chambre ; et M. de Léonville raconta à mon maître comment, malgré toutes les mesures prises pour en garder le secret, madame de Verseuil avait appris par son vieux serviteur la blessure de Gustave, et comment, dans son inquiétude, elle avait eu recours à lui pour la rassurer sur un malheur qui la désespérait.

— Vraiment, ajouta M. de Léonville, en l’écoutant parler de son effroi pour votre état, du regret de ne pouvoir vous soigner elle-même, je vous plaignais, et vous justifiais à la fois ; car il faut être bien fausse ou bien aimante pour vous pleurer si tendrement.

À cela, Gustave ne répondit que par un regard sombre.

— Au reste, continua M. de Léonville, vous ne devez plus vous tourmenter à ce sujet ; votre mère consent à tout ce que vous voulez ; et pourvu que vous lui rendiez vos soins et votre tendresse, elle se résignera à ne jamais se plaindre de votre choix. Vous allez la revoir ; ne lui parlez plus de vos résolutions ; elle ne tentera pas de les combattre, et le temps finira par vous mettre d’accord.

À ce discours, qui peignait la bonté de M. de Léonville par ses soins à dissiper toutes les inquiétudes qui pourraient retarder le rétablissement de son ami, Gustave reconnut encore l’ascendant inévitable que savait prendre madame de Verseuil même sur ses ennemis, lorsqu’elle avait résolu de se les concilier ; car il connaissait mieux que personne la haine qu’elle avait pour M. de Léonville ; et le cœur de Gustave appréciait à sa juste valeur la démarche qu’elle avait faite auprès de lui ; mais pouvait-il avoir l’air de douter de la bonne foi, de la fidélité d’Athénaïs, quand il venait de se battre pour les défendre.

M. de Léonville rassura aussi mon maître sur ce qu’on disait de son affaire dans le monde :

— Grâce à la discrétion du capitaine et de ses témoins, lui dit-il, le bruit de cette querelle n’est point parvenu aux oreilles du général Bonaparte. Il sait que votre mère est ma-