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— La voilà, la voilà, ma bonne, la voilà.

Louise accourt, et Alfred lui montre la bogue bleue qui est au doigt de Gustave :

— Que veut-il dire ? demande mon maître.

— C’est qu’il croit reconnaître une bague que madame de Civray a perdue ces jours-ci, répond Louise. Comme nous l’avons tous inutilement cherchée, et qu’Alfred a été grondé pour lui faire dire où il l’avait cachée ; il s’en ressouvient.

— Elle était semblable à celle-ci, croyez-vous ?

— Absolument de même : et madame de Civray pleure tant de l’avoir égarée, que, si je l’osais, je prierais monsieur de confier la sienne à madame de Révanne, pour en commander une pareille.

— C’est inutile ; dites à madame de Civray que sa bague a été trouvée par Victor, qu’il me l’a remise, et que j’espère la rendre bientôt moi-même à ma cousine.

Alors Alfred sauta du lit pour aller vite apprendre à toute la maison qu’il avait retrouvé la petite bague bleue ; mais, avant de le laisser partir, Gustave lui fit promettre de revenir le soir ; et deux heures après cette visite, le canapé de mon maître était si bien rempli de polichinelles, de charrettes, de ménages ; enfin, de joujoux de toute espèce, que son chirurgien même n’y trouva plus une place pour s’asseoir.



LXVI


Parmi les lettres qu’il m’avait été défendu jusqu’alors de remettre à Gustave, se trouvait un billet de madame de Verseuil, écrit le lendemain de l’affaire que mon maître avait eue à propos d’elle. Comme elle ignorait ce triste événement, son billet était rempli de plaisanteries légères sur l’air boudeur qu’avait pris Gustave en l’apercevant au Luxembourg, et d’agaceries piquantes pour l’engager à venir lui pardonner le crime d’avoir voulu être témoin du triomphe qu’il partageait. Après la lecture de cette lettre badine, Gustave demanda s’il n’en était pas venu d’autres de la même part.