Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui donnai une commission, et puis allant tout droit au lit de Gustave :

— Puisque vous doutez toujours de mes nouvelles, lui dis-je, voilà un témoin que vous en croirez peut-être ?

— Ah ! Victor, s’écria mon maître en serrant l’enfant dans ses bras, sans penser qu’il allait déchirer sa blessure, chère Lydie !

Je le vis aussitôt pâlir, sa tête retomba sur l’oreiller, et je me repentis de n’avoir pas prévu qu’une si vive émotion pouvait lui être funeste ; mais le premier moment de surprise passé, on renaît vite quand, de douces impressions vous rappellent à la vie, et Gustave fut bientôt en état d’écouter le petit ambassadeur de madame de Révanne. Deux mots de cet enfant suffirent pour lui prouver qu’elle était moins souffrante, qu’elle pensait tendrement à lui ; enfin, tout ce que je lui répétais vainement depuis deux jours. Combien j’étais attendri en voyant briller la joie sur ce visage décoloré, dans ces regards languissants, dans ce sourire où se montrait l’oubli de tous les maux.

— Ne me quitte pas encore, lui disait Gustave d’un ton suppliant ; Victor va te chercher des joujoux.

Et, en attendant, je couvrais le lit d’estampes, de morceaux de sucre, d’oranges, et de tout ce que j’imaginais pouvoir retenir Alfred.

— Comment t’appelles-tu ? lui demanda Gustave.

— Alfred de Révanne, rue du Mont-Blanc, n° 15, lui répondit-il dans son petit langage, et comme s’il répétait sa leçon ; car cette longue phrase était la seule qu’il pût dire si couramment.

On reconnaissait dans le soin de joindre son adresse à son nom la sollicitude commune à toutes les mères qui supposent que leurs enfants peuvent se perdre, et qu’il faut avant tout, qu’ils apprennent à dire où ils demeurent.

— Ah ! tu t’appelles Alfred de Révanne ? répéta Gustave en souriant, et moi aussi je me nomme Révanne ; et, si notre maman le permet, tu viendras jouer avec moi tous les jours.

En disant cela, Gustave passait sa main dans les blonds cheveux d’Alfred. Tout à coup l’enfant s’écrie :