Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rêts et le bonheur de la famille Révanne. Hélas ! le lendemain m’offrit une triste occasion de mériter cet éloge.



LXIV


C’était le 10 décembre, Bonaparte venait d’arriver à Paris, et le Directoire, forcé de répondre au vœu de tous les Français, lui préparait ce jour même une réception brillante. Pour satisfaire à un immense concours de spectateurs, Barras avait voulu tenir l’audience, non dans l’enceinte du palais, mais dans la vaste cour du Luxembourg. Un autel de la patrie y était dressé, les trophées de l’armée d’Italie le décoraient, et c’était après avoir passé sous une voûte formée par les drapeaux qu’il venait de conquérir, que Bonaparte devait recevoir les remercîments de la France.

Quelques mois plus tôt, madame de Révanne se serait fait un grand plaisir d’assister à cette fête ; mais dans les dispositions où elle se trouvait alors, elle chargea son fils de renvoyer ses billets d’invitation à madame Bonaparte, en lui faisant dire que sa santé ne lui permettait pas d’en profiter. Gustave n’avait point pensé à en procurer à madame de Verseuil, tant il lui semblait inconvenable qu’elle se montrât dans le monde avant d’avoir laissé le temps d’oublier son divorce, et l’on peut juger de sa surprise lorsqu’en entrant au Luxembourg, il l’aperçut assise sur l’un des gradins réservés aux femmes les plus élégantes de Paris, et les éclipsant toutes par l’éclat de sa parure et de sa beauté. Il se rappela qu’Alméric avait fait demander la veille à Barras des billets pour ces places de faveur. Il se persuada qu’ils étaient destinés à madame de Verseuil ; une foule d’autres indices vinrent à l’appui de ce soupçon. Gustave en conclut naturellement qu’Athénaïs l’avait trompé en lui jurant que depuis la scène de jalousie qu’elle avait imprudemment provoquée, elle n’avait eu aucun rapport avec M. de Norvel. Ces idées disposaient fort mal Gustave à entendre ce qui se disait à ses côtés ; car aux acclamations, aux cris de joie causés par l’ar-