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malheur, et je doute qu’elle y survive ; car les soins qu’il a fallu prendre dans le temps pour cacher son état, et la nécessité de sacrifier son unique consolation à ses devoirs ont cruellement altéré sa santé.

— Quel reproche, ô ma mère ! Et que vous la vengez bien de tous ses maux ; mais votre cruauté ne peut détruire en ce moment le doux ravissement que j’éprouve ! Il faut que je la voie, que je lui parle, que je rassure son cœur sur la destinée d’un être aussi cher, que je la rende dépositaire de ce bien qu’il possède déjà, puisque vous me le donnez ; enfin, ajouta-t-il en posant la main sur son cœur, je lui dois la plus douce émotion que je ressentirai de ma vie ; il faut qu’elle voie ma reconnaissance.

— Ne vous en flattez pas, mon fils ; elle ne peut, ne veut plus vous revoir.

Cet arrêt, prononcé d’un ton sévère, interdit Gustave en lui rappelant tout à coup ses nouveaux liens ; et il tomba dans une profonde rêverie.

— Je me charge, continua sa mère, de faire connaître à Lydie vos dispositions en faveur de l’enfant que la loi ne lui permet pas même de nommer son fils ; elle saura qu’avant de vous marier, vous le doterez d’une somme que vos autres enfants ne pourront lui contester, et que, malgré vos nouveaux engagements, vous promettez de devenir à ma mort le protecteur de cet orphelin. Cette assurance suffira pour lui rendre la tranquillité ; ne cherchez plus à la troubler.

En finissant ces mots, madame de Révanne donna sa main à Gustave, lui souhaita le bonsoir, et se retira dans sa chambre.

Mon maître, resté seul dans le salon, ne s’aperçut du temps qu’il avait passé à méditer sur cet entretien que lorsque le feu et les bougies s’éteignirent. Alors, il regagna son appartement, et je le vis accablé sous le poids de ses réflexions. Il me dit d’un air distrait :

— Je suis fâché de t’avoir fait ainsi veiller inutilement. Va te coucher, je ne me mettrai point encore au lit ; j’ai des lettres à écrire, des comptes à régler.