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enlevée à son ménage, à sa famille, à la société ; car celle-là, éprouvée par le repentir, par une retraite austère, peut encore devenir une épouse fidèle, une mère respectable ; mais celle que la vanité seule…

— N’achevez pas, ma mère, interrompit Gustave, et ne détruisez point l’espérance que vous venez d’affermir en mon âme. J’en ai besoin pour vivre ; car, après avoir commis tant de fautes malgré vos sages conseils ; après m’être rendu odieux à moi-même, j’ai besoin de me dévouer pour réparer, s’il se peut, tout le mal que j’ai fait. Ne me détournez point d’une action louable ; protégez Athénaïs, et accordez-lui cette céleste indulgence qui vous fait ressembler à la Divinité.

Madame de Révanne, émue par les prières de son fils, leva les yeux au ciel, et dit :

— Puisse-t-elle mériter un si noble dévouement !

Ensuite, désespérant de faire renoncer Gustave à ses projets, elle lui parla de ses intérêts de fortune, et lui apprit que le décret, qui avait remis les biens des condamnés à leurs héritiers, le rendait possesseur d’une terre considérable en Touraine.

— C’était, lui dit-elle, l’unique patrimoine de mon vieil oncle. Détenue comme lui dans le temps où il a quitté la prison pour aller à l’échafaud, il a pensé que je n’échapperais pas au même sort ; et, prévoyant ma mort prochaine, il vous a nommé dans son testament comme le seul qui dût hériter de sa fortune. Je veux accomplir sa dernière volonté ; votre père, qui s’obstine à rester en Écosse, vient de m’autoriser à vous céder mes droits sur cet héritage, et vous pouvez, dès aujourd’hui, disposer des revenus de la terre de Courmont. Ils montent à près de trente mille francs, sur lesquels j’en retiens six pour assurer le sort d’un pauvre être qui n’aura jamais de droits à aucun héritage en ce monde, et que l’honneur aussi vous ordonne de secourir.

Alors, tout au sentiment que ces derniers mots venaient de faire naître, Gustave s’écria :

— Est-il possible ? ma mère… Lydie… Quoi ! je serais ?…

Et des larmes inondèrent son visage.

— Oui, reprit madame de Ré vanne ; rien n’a manqué à son