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dans le voisinage d’un appartement convenable pour madame de Verseuil. Il ne me restait plus qu’à lui éviter la rencontre de madame de Révanne, qui ne pouvait manquer d’être fort, embarrassante pour toutes deux ; mais je m’épuisais en vain pour chercher un moyen de retenir à Paris la mère de Gustave, et je perdais l’espoir d’y réussir, lorsqu’à minuit des coups de fouet se firent entendre, une voiture entra dans la cour, tous les gens de la maison accoururent.

— C’est lui ! c’est lui ! criaient-ils, et chacun apporte sa lumière pour le mieux voir et veut en être aperçu le premier.

— Ma mère ! s’empresse de demander Gustave ; mes bons amis, comment se porte ma mère ?

— Très-bien, monsieur.

— Où donc est-elle ?

— Je l’ai vue sortant de sa chambre pour accourir vers vous.

Mais Gustave était déjà dans les bras de sa mère : il l’avait trouvée assise sur une banquette de l’antichambre ; le tremblement que la joie lui causait ne lui avait pas permis d’aller plus loin, et nous l’aurions crue souffrante, sans le sourire divin qui se mêlait à ses larmes. Ah ! ces transports, ce délire maternel qui se peignait dans ses yeux, prouvaient assez les inquiétudes qui l’avaient tourmentée durant cette longue absence. Mais il faut être mère, il faut avoir dévoué son fils au salut de la patrie, il faut avoir redouté chaque jour sa mort pour connaître le prix d’un semblable retour. Tant de félicité n’est dû qu’à la vertu la plus courageuse, et l’on n’en saurait contempler la récompense sans attendrissement ; car, en voyant madame de Révanne si heureuse, nous pleurions tous de son bonheur.



LVIII


La nouvelle de la capitulation de Mantoue fut publiée à Paris au son du tambour. Des détachements nombreux de troupes de ligne, des gardes nationales, accompagnaient l’officier