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conquêtes de l’amour et de la gloire, égare la raison du malheureux général. Il accuse son chef d’encourager le crime, dénonce Gustave comme l’être le plus vil, le plus faux, et, peignant le désespoir dans lequel il plonge sa famille, il sort en menaçant d’envoyer sa démission, si l’on persiste à payer par tant de faveurs les services de son plus cruel ennemi.

Heureusement pour Gustave, le rapport était déjà parti ; mais Bonaparte pouvait se rétracter, ou, ce qui eût été pis encore, il pouvait, protégeant le juste ressentiment de M. de Verseuil, détruire par un seul mot de mépris la réputation et la vie de Gustave, car il n’aurait pu survivre à un tel affront. Ému par le désespoir de ce mari trompé, trop confiant dans ses plaintes, et craignant surtout de perdre un général dont l’expérience lui était si nécessaire, Bonaparte allait peut-être commettre une grande injustice si J…, arrivé au moment où M. de Verseuil sortait furieux du cabinet du général en chef, n’avait demandé la cause de cette grande colère. Alors Bonaparte, s’emportant contre les aides de camp dont les aventures galantes semaient le trouble parmi les officiers de l’armée, traita Gustave de fat et d’hypocrite. Mais J… n’était pas homme à laisser ainsi calomnier son camarade, et, prenant la parole avec une sorte d’autorité, il justifia d’abord son ami du crime de séduction, en offrant de prouver par Salicetti et autres que la vertu de madame de Verseuil avait déjà perdu plus d’une bataille avant d’être attaquée par M. de Révanne. Il osa même répondre que, sans les agaceries qu’il en recevait chaque jour, jamais Gustave n’aurait pensé à se brouiller pour elle avec son général.

— Bien plus, ajouta-t-il, j’offre de parier mon sabre d’honneur, que ce n’est pas Gustave qui l’enlève à son mari ; qu’il aurait tout sacrifié au repos de leur ménage, et que c’est elle qui saisit cette occasion de se débarrasser d’un vieux jaloux qui la tourmente, pour se livrer à un jeune homme dont la générosité lui promet tous les plaisirs du grand monde. Mais, mon général, avant de le punir, avant de le désespérer par un reproche de votre bouche, laissez-moi me convaincre de la vérité, et croyez qu’il n’est point un lâche suborneur, ce jeune homme qui se portait avec tant de bravoure au-devant de