Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bats, de victoires, les Français forcent l’ennemi à déposer les armes. Pendant ces trois jours mémorables, Bonaparte a livré deux batailles, détruit deux corps d’armée, fait vingt mille prisonniers, pris toute l’artillerie ennemie, et mis les Autrichiens hors d’état de tenir la campagne.

C’est quand de tels exploits sont accomplis qu’il faut voir le délire des soldats, la joie des officiers, et l’agitation de tous ceux à qui leurs actions d’éclat donnent droit à une récompense. Avec quel plaisir les amis se retrouvent après avoir bravé tant de périls ! Que de réjouissances ! de festins bruyants ! de toasts portés à la patrie, au général en chef, à la victoire ! Mais, au milieu de ces joyeux vainqueurs, l’on n’aperçoit pas Gustave. En vain J… le cherche pour le féliciter de son nouveau grade, pour lui répéter les éloges que Bonaparte donne tout haut à son intrépide valeur. Cependant il ne peut être loin ; on l’a vu revenir en conduisant un grand nombre de prisonniers vers le quartier général. Où se cache-t-il donc ? Hélas ! le pauvre Gustave, exténué de fatigue, couvert de sang et de poussière, est tombé presque inanimé sur un monceau de paille dans la grange où il vient d’amener son cheval. C’est là, c’est auprès de son compagnon de gloire qu’il succombe à la puissance du sommeil ; c’est dans cet humble asyle qu’il trouve l’oubli de ses tourments, et qu’il puise dans un instant de repos la force de revivre et de souffrir encore.

Pendant que ses amis sont à sa recherche, Bonaparte, qui veut récompenser de plus d’une manière les services rendus dans ces dernières affaires par le général de Verseuil, le fait mander pour lui dire qu’indépendamment de la mention honorable qu’il fait de lui dans son rapport au Directoire, il veut encore récompenser dans son aide de camp l’héroïsme dont il lui donna l’exemple. À ces mots, le général de Verseuil pâlit, et son dépit s’augmente lorsqu’il apprend que le grade de chef de brigade est demandé pour Gustave, et qu’il va à Paris porter, avec l’aide de camp Bessières, les drapeaux conquis dans ces batailles mémorables. L’idée de voir combler d’honneurs l’homme qui venait de lui enlever ce qu’il avait de plus cher au monde ; l’idée que le ravisseur de sa femme va se montrer, aux yeux de toute la France, paré des doubles