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état, il était venu s’établir à Florence, où, à force de flatteries et de bassesses, il s’était acquis la protection, et même la confiance du fameux Manfredini. On prétend que cet adroit ministre, dont la générosité envers Marcelli était poussée à l’extrême, y mettait cependant une condition que celui-ci remplissait de son mieux, en racontant ou en inventant une foule de petits faits dont la politique de Manfredini tirait tout le parti possible.

Aux avantages d’une situation brillante en apparence, Marcelli joignait un assez beau visage, un air patelin, et le petit talent d’improviser à volonté des concetti sur tous les beaux yeux qu’il rencontrait. On parlait beaucoup des bontés dont une grande princesse l’avait honoré pendant son dernier séjour à Naples. C’en était assez pour lui attirer l’attention de madame de Verseuil. Aussi, à peine quinze jours s’étaient-ils écoulés depuis sa présentation chez elle, qu’abusé par tant de préférences flatteuses, Marcelli se crut au moment de profiter d’un bien qui semblait s’offrir à lui, et, sans même déclarer son amour, il en réclama le prix. Athénaïs, indignée de se voir traitée si légèrement, voulut punir Marcelli de sa présomption en l’accablant de dédains. La fatuité du baron s’en irrita ; persuadé qu’une femme ne pouvait lui résister qu’autant qu’elle cédait à un autre, il s’appliqua à découvrir la personne qui lui attirait les rigueurs de madame de Verseuil. La jalousie de Gustave lui facilita beaucoup cette découverte. Il les épia tous deux ; et lorsqu’il fut instruit de leur liaison, il se rendit secrètement près de mademoiselle Julie et lui offrit cent ducats du moindre billet de sa maîtresse à M. de Révanne. Julie parut d’abord révoltée de la proposition ; mais le baron promit le double de la somme ; il s’engagea de plus à placer Julie chez une grande dame de Florence, et finit par lui promettre de se charger particulièrement de son sort. C’en était beaucoup trop pour la vertu de mademoiselle Julie ; elle consentit à tout ce qu’exigeait le baron ; et, après lui avoir remis la lettre d’adieux qu’elle était chargée de porter à Gustave, elle disparut de la maison de madame de Verseuil.

Muni de cette pièce de conviction, le baron l’adressa tout simplement au général, accompagnée de tous les commen-