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qu’il ne vous reste plus de cette blessure que la gloire de l’avoir reçue.

Puis, reprenant sa conversation précédente, Athénaïs ne laisse point à Gustave le temps de lui répondre. C’est pousser la discrétion un peu loin, pensa-t-il ; mais un regard va me dédommager de tout ce que la prudence me fait perdre. Ce regard tant désiré, il ne l’obtint point ; et cependant les yeux d’Athénaïs s’arrêtèrent sur lui toutes les fois qu’elle était amenée naturellement à lui adresser la parole. Pendant le souper, sans fuir, ni chercher les occasions de causer avec lui, elle parla des événements de l’armée, des plaisirs de Milan, des nouvelles de Paris, et traita ces différents sujets avec tant de grâce et de gaieté, que tout attestait la liberté de son esprit. Enfin, en la voyant si peu préoccupée, si sémillante, si facilement polie envers lui, Gustave se demanda s’il était bien vrai que la veille…

— Mais non, pensait-il ; tant de bonheur ne saurait s’oublier ; et c’est en vain que madame de Verseuil dédaigneuse et brillante prétend me cacher la tendre Athénaïs ; un mot va me la rendre ; et, s’approchant d’une fenêtre, il s’écria d’un accent qui devait être connu : « Oh ! ciel ! voici déjà le jour ! »

Mais cette exclamation parvint aux oreilles d’Athénais sans retentir à son cœur. Alors, n’ayant plus la force de dissimuler son mécontentement, Gustave fut s’asseoir au fond de cette galerie qui lui avait paru plus belle dans l’obscurité. Il espérait encore qu’un signe le rappellerait auprès d’Athénais ; mais, après l’avoir attendu vainement, il se décida à sortir le premier de cette maison où tout lui paraissait si changé ; et je le vis revenir de chez madame de Verseuil avec autant de tristesse que le matin même il en avait rapporté de joie.



LIV


Gustave se plaignit, bouda ; on lui reprocha ses plaintes, sa bouderie ; il osa douter d’un amour si facile à dissimuler, et on lui répondit :

— Je vous aime ; vous êtes injuste dans vos soupçons, dans