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gne des cinq jours, fut envoyée sur-le-champ au Directoire, et aux commissaires du gouvernement près L’armée d’Italie. L’aide de camp J… quoique blessé de plusieurs coups de sabre, fut dépêché vers Salicetti et Garrau, qui étaient alors à Milan. Il rapporta bientôt les félicitations de ces messieurs à Bonaparte ; et comme le général Verseuil l’avait chargé d’une lettre pour sa femme, on présume bien que Gustave s’empressa d’aller voir J… dès qu’il apprit son retour au quartier général. Il le trouva déjeunant gaiement avec plusieurs de ses camarades, qu’il faisait rire aux éclats en leur racontant en mots assez grossiers les aventures les plus scandaleuses.

— Ah ! parbleu, dit-il en apercevant Gustave, tu arrives fort à propos ; nous en étions justement sur le compte de la femme de ton général ; mille bombes ! elle est fort jolie, et je ne plains pas son mari. Cependant, si j’avais répondu vrai à toutes les questions qu’il m’a faites hier à propos d’elle, j’aurais bien pu troubler un peu son bonheur conjugal.

— Serait-elle malade ? demanda Gustave en montrant une vive inquiétude.

— Malade, s’écrièrent en pouffant de rire tous les convives à la fois.

— Ah ! oui, malade, reprit J…, elle a bien autre chose à faire que d’être malade. Ce n’est pas qu’elle manque à Milan de gens pour la soigner ; d’abord Salicetti la quitte le moins qu’il peut, et puis il y a près d’elle un petit lieutenant qui la quitte encore moins. Ah ! vraiment, tu dois bien le connaître ; c’est, dit-on, le favori de ton général ; il y a même des malins qui prétendent que c’est son fils à la mode de Bretagne, enfin son bâtard pour parler clairement. Eh bien, ce bel enfant de l’amour suit de son mieux les traces de son père ; et si celui-là le laisse faire, sois tranquille, il en aura bientôt des héritiers.

À chaque saillie de ce genre, les convives redoublaient de gaieté, et Gustave grimaçait le plus faux sourire. J… en fit la remarque, et dit :

— Dieu me pardonne, Révanne a de l’humeur ; eh ! que ne parlais-tu ? Si tu m’avais dit franchement : Je suis amoureux de cette femme-là, je ne veux pas qu’elle me trompe, eh bien,