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que Léonore donna sur cette fin déplorable, les plus déchirants furent ceux des soins infructueux qu’on prit pour combattre les ravages de cet affreux poison, et les secours que réclamait elle-même la malheureuse Stephania pour vivre quelques heures de plus, et revoir encore celui qu’elle adorait. Combien de fois ce récit douloureux fut interrompu par les pleurs de Léonore ! Mais ces pleurs en faisaient couler d’autres et la douceur de voir ses regrets si sincèrement partagés lui fit éprouver un soulagement jusqu’alors inconnu. Gustave lui-même, calmé par l’expression d’une douleur si tendre, ne fut plus que triste, et lorsque tous deux se séparèrent pour jamais, je vis leurs visages décolorés s’animer du sourire de la reconnaissance.



XLVIII


Après avoir éprouvé tant de chagrins pendant le peu de semaines qu’il avait passé à Milan, Gustave n’en pouvait plus supporter le séjour ; et il résolut de partir sur-le-champ pour rejoindre son général ; mais le chirurgien qui l’avait soigné, étant venu le voir au moment où il disposait tout pour son départ, lui déclara que s’il se mettait en route avec la fièvre qui le tenait encore, il n’irait pas à deux lieues de Milan, sans être forcé de s’arrêter dans quelque mauvaise auberge, où il serait privé de tous secours, et par cela même dans l’impossibilité de rejoindre l’armée de très-longtemps. Cette dernière considération engagea Gustave à céder aux avis du chirurgien, et il fut décidé qu’il resterait encore deux jours avant de monter à cheval.

Ces deux jours de repos accordés à la maladie, la tristesse allait s’en emparer ; et c’est alors que je formai le dessein de soustraire Gustave aux sombres idées qui viendraient l’assaillir pendant ces moments de réflexion et de souffrance ! D’abord j’éloignai de ses yeux la boîte trouvée sur le tombeau de Stephania ; puis les cheveux, le portrait, la chaîne qu’elle contenait ; enfin tout ce qui pouvait lui rendre son souvenir présent. Ensuite, je lui parlai de l’arrivée de madame d’Olbiac ; je lui dis qu’elle s’était informée avec bienveillance de ses