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essayant en vain, en jetant des tuiles, de nous disputer l’entrée des rues. Trois fois l’ordre de mettre le feu à Pavie expira sur mes lèvres. Lorsque je vis arriver la garnison du château, qui avait brisé ses fers, et venait avec des cris d’allégresse embrasser ses libérateurs. Je fis faire l’appel ; il se trouva qu’il n’en manquait aucun. Si le sang d’un seul Français eût été versé, je voulais élever des ruines de Pavie une colonne sur laquelle j’aurais fait écrire : Ici était la ville de Pavie. J’ai fait fusiller la municipalité, arrêter deux cents ôtages que j’ai fait passer en France. Tout est aujourd’hui parfaitement tranquille, et je ne doute pas que cette leçon ne serve de règle aux peuples d’Italie. »

Ce n’était pas trop préjuger de leur prudence ; car, à dater de ce jour, aucune insurrection ne vint retarder le cours de nos victoires. Les Lombards, de nouveau soumis, invitèrent le général en chef à introduire dans leur pays le régime de la république française. Cette détermination populaire, adoptée avec empressement par Bonaparte, devait avoir les suites les plus funestes pour la maison d’Autriche, et bientôt le gouvernement républicain fut proclamé depuis les montagnes de Chiavonne jusqu’au confluent du Pô et de l’Oglio.

Deux jours après l’expédition de Pavie, Gustave fut dépêché par Bonaparte au général Despinois pour lui ordonner de prendre des mesures d’autant plus nécessaires, que le château de Milan ne s’était pas encore rendu, et conservait une garnison qui aurait pu donner la main aux mécontents et aux partisans de l’Autriche. Gustave regarda cette mission comme une faveur du ciel, et s’occupa à composer pendant toute la route la réponse qu’il espérait obtenir de Stephania.

— Es-tu bien sûr qu’elle ait reçu ma lettre ? me demandait-il sans cesse.

Et cette question, me causant toujours un embarras visible, il la recommençait pour m’éprouver encore ; plusieurs fois l’envie de le préparer au coup que je redoutais pour lui m’avait poussé à lui tout avouer ; mais, retenu par la crainte d’alarmer inutilement son cœur, je me décidai à porter seul le poids de mes pressentiments. Plus nous approchions de Milan, plus j’en étais accablé, et, malgré mes efforts pour