ments étaient déjà dispersés, et chacun des habitants, craignant les premiers mouvements de notre indignation, se cachait si bien chez lui, que nous avions l’air de nous emparer d’une ville déserte. Après avoir escorté Bonaparte jusqu’au palais archiducal, où le général Despinois vint prendre ses instructions pour maintenir la soumission et la tranquillité dans la ville, mon maître et son général se rendirent à l’hôtel de Rome, où ils comptaient retrouver madame de Verseuil ; mais elle avait disparu, et la consternation répandue sur le front des gens de la maison préparait à la plus triste nouvelle.
— Qu’est-elle devenue ! s’écria le général. Hélas ! nous l’ignorons, reprit la maîtresse de l’hôtel. À peine étiez-vous parti, qu’une troupe de furieux s’est portée ici en nous demandant à grands cris de leur livrer les Français que nous logions. Pendant que mon mari leur répondait, et essayait de leur résister, je courus avertir le major et madame la générale du danger qu’ils couraient. Le major était sorti, et j’engageai madame à s’enfuir avec mademoiselle Julie par la porte de notre jardin, lorsqu’une vingtaine de ces furieux sont entrés dans la chambre, ont brisé tous mes meubles, m’ont forcée à coup de poings à leur déclarer laquelle des deux était la femme du général français. J’ai désigné mademoiselle Julie ; il se sont emparés d’elle, et l’ont tellement maltraitée, que la pauvre fille est en ce moment mourante dans son lit.
— Mais sa maîtresse ? interrompit impatiemment Gustave.
— Comment voulez-vous que je le sache ; j’étais moi-même entourée de ces brigands, qui m’accablaient de coups et de questions, pendant que leurs complices entraînaient madame de Verseuil dans le jardin. Tous les gens de l’hôtel s’étaient enfuis pour n’être pas massacrés par ces coquins ; vos gens eux-mêmes nous avaient abandonnés pour aller demander du secours au commandant de la place, et, quand ils revinrent avec une compagnie de grenadiers, ils me trouvèrent à moitié morte ; et mon mari dans le désespoir de ce qui venait de se passer.
À ce récit dont on peut deviner l’effet sur Gustave et sur son général, celui-ci se transporta aussitôt chez le commandant pour savoir si l’on avait quelque indice du sort de ma-