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À ces mots, ses forces l’abandonnèrent, elle tomba inanimée dans les bras de Gustave.

— Stephania ! ma chère Stephania ! s’écriait-il. Ô ciel !… elle expire !

Et il brisait avec violence les liens qui attachaient lis vêtements de cette infortunée ; et, portant la main sur ce cœur déchiré de douleur, il cherchait s’il battait encore ; mais ses battements si faibles semblaient être le dernier combat d’une vie qui succombe au malheur. Gustave, saisi de remords et d’effroi, se reproche déjà la mort de Stephania. Il jure de ne point lui survivre ; et, des larmes de son repentir, il baigne le sein de sa victime. Ce baume consolant semble la ranimer. Elle entr’ouvre les yeux, voit les pleurs de Gustave, et voudrait vivre encore. Mais la douleur qui a glacé ses sens les replonge de nouveau dans l’anéantissement. Un tremblement général s’empare d’elle ; des mouvements convulsifs paraissent annoncer son agonie ; et Gustave au désespoir la dépose sur le sable pour aller demander du secours. J’étais à la porte du jardin. Je vole chercher les femmes de Stephania ; nous la transportons dans son lit. Un médecin est appelé. Il déclare que madame Rughesi est frappée d’un coup de sang. Il ordonne plusieurs saignées, et recommande le plus grand calme autour d’elle. Gustave, qui redoute un arrêt funeste, ne laisse partir le docteur Corona, qu’après lui avoir fait répéter plusieurs fois qu’il croit madame Rughesi hors de danger.

— Mais, prenez-y garde, ajoute le docteur, une crise pareille la mettrait au tombeau. J’ignore ce qui peut avoir provoqué cette révolution ; vous, qui le savez sans doute mieux que moi, tâchez qu’aucun événement ne la ramène ; car, si la fièvre devient inflammatoire, je ne réponds de rien.

La recommandation n’était pas nécessaire ; et Gustave, accablé des souffrances dont il était la cause, ne pensait plus qu’à les adoucir. Tout entier à la pitié, à la reconnaissance, à Stephania, c’est dans toute sa sincérité qu’il se promettait d’immoler ses espérances et son propre bonheur au généreux soin de la rendre à la vie. Aurait-il pu jouir du moindre plaisir, avant d’avoir ramené le calme dans ce cœur passionné ? Ah ! l’on accorde sans peine aux malheureux les sa-