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jardin, et là, après avoir délibéré quelque temps sur le parti qu’il prendrait, je le vis descendre précipitamment l’escalier, et diriger ses pas vers un bosquet d’orangers qu’avaient seul respecté les lampions de la fête.

À peine eut-il fait quelques pas sous cet ombrage odorant, que la vue d’une femme assise fit battre son cœur. Le reflet des feux qui illuminaient la façade de la maison portant sur cet endroit une douce clarté, Athénaïs fut bientôt reconnue. Il fallait la fuir. Gustave sentait que son repos était attaché à cet acte de courage ; mais Athénaïs pleurait… Il était peut-être la cause de ses larmes… Et quel amant peut résister au plaisir de contempler les tourments qui le vengent ? Gustave s’approche, et, pressant d’une main tremblante celle d’Athénaïs, il dit :

— Qui vous afflige ainsi ?

— Ah ! si vous l’ignorez, répondit-elle, je n’ai plus rien à espérer de vous.

— Eh quoi ! madame, c’est lorsque votre cœur trahit tous ses serments, lorsque vous joignez l’injure à l’inconstance, enfin, c’est lorsque vous m’accablez de votre haine, que vous osez vous plaindre ?

— Oui, je me plains des torts que votre trahison me donne. Sans le désir de vous en punir, aurais-je jamais pensé à provoquer d’autres soins que les vôtres ? C’est vous, c’est votre exemple que j’ai voulu un instant imiter. Mais mon cœur n’a pu atteindre à cet excès de froideur, de perfidie, et je n’ai recueilli d’autre fruit de cette lutte cruelle que la certitude de vous inspirer autant de mépris que d’indifférence.

— Moi, de l’indifférence ! Athénaïs, vous ne le pensez pas.

— D’où vient donc que je pleure ?

— Ah ! si la crainte d’être moins aimée fait couler ces larmes qui m’accusent, laissez-moi en tarir à jamais la source.

— Non, vous ne m’aimez plus. Votre cœur est tout à une autre, et je ne veux ni le reconquérir ni le partager.

— Eh bien, gardez-le seulement.

— Il ne m’appartient plus, vous dis-je. L’infidélité, et la reconnaissance peut-être, en ont disposé malgré vous ; car je vous crois sincère dans la préférence que vous m’accordez en