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XLI


Stephania et le général Verseuil attendaient, depuis longtemps, le retour d’Athénaïs. Elle reçut quelques reproches de son mari sur ce manque d’égards envers madame Rughesi ; mais tout fut bientôt excusé par le récit de la visite faite au palais archiducal. L’humeur de M. de Verseuil ne tint pas contre le plaisir d’entendre raconter à sa femme les preuves de bienveillance qu’elle venait de recevoir du général en chef. En voyant l’air sombre de Gustave, Stephania lui dit :

— Cette visite ne paraît pas vous avoir amusé ?

— Non, certes, répondit-il d’un ton amer ; et j’espère bien me dispenser dorénavant d’en recommencer de pareilles.

— En ce cas, je vous le pardonne, reprit Stephania, rassurée par l’idée que Gustave s’était ennuyé loin d’elle.

On servit le dîner. La conversation tomba naturellement sur les préparatifs de la fête du lendemain. M. Rughesi voulait qu’elle fût digne des grands personnages qui lui feraient l’honneur de l’embellir, et se proposait de mettre en réquisition tous les poëtes de la ville, pour les cantates, les transparents et les improvisations d’usage dans ces solennités. Madame de Verseuil s’inquiétait beaucoup de sa toilette, et tourmentait Stephania pour lui indiquer les moyens de se procurer à Milan tout ce qui compose un habit de bal parisien. Gustave, importuné des soins qu’elle prenait pour que rien ne manquât à sa parure ; et, présumant bien qu’elle ne se donnait tant de peine que pour plaire à d’autres qu’à lui, essaya de se venger de ce projet menaçant, en disant à Stephania :

— Quant à vous, madame, ne vous donnez pas tant de peine, croyez-moi : mettez-vous de même que le jour de cette fête où je vous vis si justement captiver l’admiration générale ; jamais vous ne serez plus belle.

Combien elle l’était alors, en écoutant ce compliment tendre ! Que de reconnaissance dans son regard ! que d’espérance dans son sourire ! Ah ! tout le prouvait en elle : rien n’embellit autant que les flatteries de ce qu’on aime.