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et ne vous mêlez pas de ce qui se passe entre votre cœur et vos désirs : ils sauront bien s’arranger sans votre permission.

Gustave goûta cet avis peu sévère, et me parut fort disposé à le mettre en pratique, lorsque je lui appris le Lendemain que cette charmante Stephania, qu’il prétendait ne revoir de sa vie, le faisait inviter à venir prendre, à midi, le chocolat avec elle. Il fut d’abord surpris d’un bonheur aussi inattendu, et me dit :

— Comment sais-tu qu’elle m’invite à déjeuner ?

— Parce qu’elle me l’a dit elle-même, répondis-je.

— Quoi ! tu l’as vue ?

— Ah ! vous avez raison, monsieur, elle est un peu brune ; mais c’est la Diane antique.

— Où l’as-tu rencontrée ?

— Chez elle.

— Qui donc a pu t’y conduire ?

— Je ne suis pas sorti.

— Elle demeure ici ?

— Oui, monsieur, dans la maison même ; et comme elle en est la maîtresse, il faudra bien souffrir qu’elle vous en fasse les honneurs.

— Allons, je me résigne, dit en souriant Gustave. Aussi bien, je suis curieux de savoir de quel air elle me recevra ce matin. Peut-être ignorait-elle hier, autant que moi, que je fusse logé chez son mari.

— C’est probable. Au reste, tous deux exercent l’hospitalité à merveille ; car j’étais chez le général quand ils sont venus s’informer de ses nouvelles, et l’engager à partager leur table.

— A-t-il accepté ?

— Certainement, pour lui et ses aides de camp. Ainsi, vous allez avoir bon souper, bon gîte et…

— Tais-toi, et va me faire annoncer chez madame Rughesi.

En me donnant cet ordre, Gustave prit la branche de fleur d’oranger et sortit pour se rendre chez son général. Un instant après, je le vis descendre chez la belle Stephania, et il me fallut attendre jusqu’au moment du dîner pour savoir à quoi m’en tenir sur le résultat de cette entrevue.