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n’ait pensé à l’amitié de sa femme pour ma famille, et je veux le remercier par la joie de ma mère.

En finissant ces mots, Gustave partit pour se rendre à la fête des vainqueurs, et j’allai de mon côté rire avec les vaincus.



XXXVIII


La soirée était fort avancée, et je me disposais à quitter mes camarades ; mais Bernard, qui n’aimait pas les sacrifices inutiles, me dit :

— Tu peux rester avec nous encore plus de deux heures. Va, ton maître n’est pas prêt à rentrer chez lui : il y a grand bal au palais, et, après avoir fait sauter les maris, il faut bien faire danser les femmes. Ma foi, celles de Milan en valent bien la peine. C’est dommage que je ne sache pas mieux comprendre leur gentil gazouillement. Puisque tu l’entends, toi, ajouta-t-il en me montrant une troupe de jeunes filles qui riaient et chantaient à la porte du jardin, va donc inviter ces jolies chanteuses à danser avec nous. Je paierai les violons.

J’obéis, et, tout fier d’avoir mis à profit les leçons d’italien que j’avais attrapées d’un vieux maître d’écriture, je revins de mon ambassade avec tous les éléments d’un bal joyeux. Dans cette fête improvisée, je pris une idée fort juste du caractère des femmes de ce pays par la manière franche dont elles acceptent le plaisir qu’on leur propose ; et j’avoue que mon amour pour le vrai me les fit trouver préférables à nos coquettes de village.

J’étais encore dans le ravissement de ma soirée lorsque mon maître revint, au moins aussi content de la sienne. Il tenait à sa main un bouquet de fleurs d’orange, et me dit :

— Tiens, mets cette branche dans un verre d’eau, pour qu’elle se conserve fraîche jusqu’à demain.

— Ah ! ah ! répondis-je en riant, son rôle n’est donc pas encore fini ?