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Vivent les Français ! vive la liberté !

Dès le lendemain, le quartier-général vint s’établir à Milan ; et nos soldats purent enfin goûter le repos, si nécessaire après un mois de courses, de fatigues et de victoires. Le général Verseuil, dont la blessure commençait à se fermer, voulut être spectateur de l’entrée solennelle de Bonaparte dans la capitale de la Lombardie ; et Bernard l’ayant logé chez un riche banquier de la Strada, nous pûmes jouir tout à notre aise de ce beau spectacle. Placé sur un balcon superbe, et entouré de tous les curieux de la maison, c’est moi qui leur disais les noms des généraux, et qui leur montrais les différents corps qui avaient décidé du gain de telle ou telle bataille. Ils répondaient à cet acte de complaisance en me désignant les grands personnages milanais qui s’étaient disputé l’honneur de porter les clefs de leur ville à notre général en chef. Le comte Melzi était à leur tête, et il paraissait si fier de sa mission, qu’il pouvait se mêler aux vainqueurs sans crainte d’être reconnu. Après avoir été complimenté à plusieurs reprises, Bonaparte s’avança précédé d’un détachement de ces braves grenadiers qui s’étaient immortalisés à Lodi, entouré de son état-major, de ses aides de camp, et suivi de la garde civique. Bien avant qu’il parût, je m’écriai comme un fou :

— Le voilà, le voilà ! le voyez-vous avec son habit d’aide de camp, son cheval bai, là tout à côté du général Masséna ?

— Qui donc ? Bonaparte ?

— Eh ! non, M. de Révanne, ce jeune officier qui a si bon air.

— Nous le voyons bien, mais quel est-il ?

— C’est mon maître !

Alors, m’apercevant que chacun se moquait de mon transport, j’ajoutai d’un ton amer :

— Je vous ai montré mon maître ; tenez, voici le vôtre.

Alors tous les yeux se fixèrent sur Bonaparte, et je me trouvai assez vengé du dédaigneux sourire de mes voisins en voyant la crainte et l’admiration qui se peignirent tout à coup sur leurs visages.

Pendant cette marche triomphale, des symphonies, exécu-