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disposait à les laisser causer librement ensemble, lorsque M. de Verseuil l’appela pour lui dire :

— Je ne veux pas que mon état vous nuise ; vous m’avez soigné comme un fils, je vous dois les sentiments d’un père. Allez vous distinguer de nouveau dans l’affaire qui se prépare. Masséna me promet pour vous tout ce que vous pouvez attendre de moi. Soyez plus heureux à Lodi que je ne l’ai été à Fombio, et venez m’apprendre bientôt que nous avons passé l’Adda. Cette nouvelle achèvera ma guérison, et nous irons ensuite la fêter à Milan.

Gustave fut très-sensible au sacrifice que faisait son général en l’éloignant de lui, au moment où sa présence lui était si nécessaire, et il m’ordonna de le remplacer, autant qu’il me serait possible, dans les soins que l’état du malade exigeait. Cet ordre me priva du plaisir d’assister à l’une des expéditions les plus éclatantes de cette campagne.

Le général Verseuil, accoutumé au service de domestiques fort peu intelligents, trouvait le mien tellement à son gré, qu’il ne pouvait plus en supporter d’autre. Désirant me récompenser par quelque familiarité du zèle que je lui montrais, il entra en conversation avec moi, m’accabla de questions sur mon maître, parut étonné de ma facilité à lui répondre, et surtout de mon adresse à éviter les indiscrétions qui auraient pu m’échapper dans un pareil interrogatoire.

— À l’âge de votre maître, on est toujours amoureux ; contez-moi un peu ses aventures galantes, cela me divertira.

J’avais beau affirmer que je n’en étais point le confident, le général persistait.

— Allons, disait-il, je le vois bien à cet air mystérieux, il s’agit de quelque pauvre mari qu’on trompe à faire plaisir, et vous avez peur qu’un mot imprudent ne l’avertisse ?

Ce soupçon me fit frémir, et je m’empressai de le détruire en racontant au général l’aventure de mademoiselle Albertine et de Gustave ; j’y donnai une teinte romanesque pour lui laisser croire que ce caprice durait encore ; j’allai même jusqu’à en inventer de plus sérieux. Enfin, je mis tout mon es-