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Et ces mots furent accompagnés d’un signe qui voulait dire :

« Convenez-en bien vite. »

— Ah ! oui… répondit Gustave d’un ton qui démentait assez l’air fin qu’il voulait se donner.

Alors Athénaïs fit demander le volume qu’elle avait laissé sur la cheminée ; et, le remettant à mon maître :

— Lisez-le, dit-elle avec émotion ; je pense qu’il vous intéressera.

— Gustave s’empressa de cacher ce trésor d’espérance, car il ne doutait pas qu’il dût renfermer quelques mots consolants ; et l’on ne saurait peindre l’impatience qu’il ressentit en gardant toute la soirée dans sa poche ce livre qu’il brûlait d’ouvrir. Cependant Athénaïs, qui jouissait de la contrainte de Gustave, l’en dédommageait par mille choses ingénieuses. Personne ne possédait mieux qu’elle cet art de tout employer pour être entendu de ce qu’on aime. La plupart des gens de sa société étaient presque toujours, sans s’en apercevoir, les interprètes de ses sentiments, ou les complices de ses projets. Tant qu’ils restaient dans l’ignorance de leur utilité, cette innocente ruse n’avait point d’inconvénient ; mais, dès que l’un de ces charitables amis découvrait les services qu’il avait rendus à l’insu de lui-même, il s’en irritait, et le bienfaiteur sans le savoir devenait alors un ennemi implacable.

Enfin la journée se termina ; et il fut permis à Gustave de pénétrer les mystères de ce livre magique, qui renfermait sans doute ses destins. C’était un de ses romans en A dont l’Angleterre nous inondait alors, et dans lesquels les spectres causent familièrement avec tous les vivants qui daignent visiter un vieux château, une tour en ruines, ou la moindre caverne.

— Eh ! qu’allez-vous faire de ce livre terrible ? dis-je à mon maître, en apercevant deux gravures où les voleurs et les revenants dévalisaient et terrifiaient un grand imbécile.

— J’en vais faire mon unique lecture pendant toute la campagne.