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XXVIII


Grâce au zèle de notre postillon, nous approchions de la berline, lorsque nous la vîmes s’arrêter : un homme en descendit, c’était le major ; il avait l’air inquiet, et paraissait demander quelque chose avec impatience à une paysanne qui était assise à la porte de sa chaumière. Au même instant nous le voyons accourir vers nous.

— C’est madame de Verseuil qui se trouve mal, dit-il ; n’auriez-vous pas, monsieur, un flacon d’eau de Cologne, madame d’Olbiac ne peut retrouver le sien.

Gustave saute en bas de la calèche ; je le suis : chacun s’empresse d’apporter de l’eau, du vinaigre, des sels ; mais aucun de ces secours ne parvenant à ranimer madame de Verseuil, on se décide à lui faire respirer le grand air. Mon maître est choisi par le major pour l’aider à la transporter dehors de la voiture, et bientôt après il reçoit dans ses bras la plus jolie mourante que la maladie puisse livrer à l’amour. Il la dépose sur le gazon, craint de la blesser, et, tout en s’inquiétant pour elle, il ne peut s’empêcher d’admirer ses charmes. Mais, oh ciel ! est-ce une illusion, une erreur de ses sens ? la main qu’il tient encore a-t-elle réellement pressé la sienne ? est-ce un signe de souffrance, ou l’aveu le plus tendre ? Dans son trouble, il serre à son tour cette main charmante qui, l’instant d’après, confirme ses espérances. Aussi ému qu’étonné de son bonheur, Gustave respire à peine ; Athénaïs ouvre les yeux, et semble revenir à la vie pour jouir du trouble qu’elle fait naître ; une exclamation générale annonce sa résurrection : Gustave seul garde le silence ; maie la joie qui se peint sur son front lui sert d’interprète.

— Vous avez donc bien souffert, ma pauvre enfant, dit madame d’Olbiac, d’un ton de pitié mêlé d’un peu d’aigreur ; car je ne vous ai jamais vu perdre si longtemps connaissance.

— Pardonnez-moi de vous avoir donné tant d’inquiétudes, répondit Athénaïs, en regardant Gustave.