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de sa mère ; et ce ne fut qu’au moment où il fallut s’en séparer et l’embrasser une dernière fois, qu’il se vit contraint de sortir brusquement pour ne pas succomber à son émotion. C’est alors qu’il vint m’ordonner de guetter l’instant où Louise sortirait de l’appartement de sa maîtresse après l’avoir vue se mettre au lit. Je me rendis à cet effet dans l’antichambre de la marquise. J’y rencontrai Louise, qui venait me chercher de la part de madame ; et j’avoue que ce message me troubla par l’idée d’avoir à confirmer à cette excellente mère l’événement qu’elle redoutait. Mais madame de Révanne était trop bien instruite de notre prochain départ pour me faire la moindre question à ce sujet. Elle avait voulu me voir dans l’unique intention de recommander encore une fois à ma prudence et à mon zèle ce fils qu’elle chérissait plus que sa vie.

— S’il est blessé, me dit-elle, sa tendresse pour moi, l’engagera à m’en faire un mystère ; jurez-moi, Victor, de ne jamais me laisser ignorer son état, si alarmant qu’il puisse être. Cette promesse me garantira des tourments d’une continuelle inquiétude, car j’ai autant de confiance en votre parole qu’en vos soins ; tenez, ajouta-t-elle, en me donnant un paquet cacheté, voici une lettre pour Gustave ; mais attendez jusqu’à demain matin pour la lui remettre ; je ne veux pas lui ôter la consolation de croire qu’il m’a épargné par sa feinte tranquillité tout ce que ce moment a de déchirant pour mon cœur…

En disant ces mots, son visage se couvrit de larmes ; et je tâchai d’adoucir de si vifs regrets par l’assurance de ne jamais trahir les volontés d’une si adorable mère.

De retour chez mon maître, je le trouvai prêt à me suivre ; nous descendîmes sans le moindre bruit. Gustave voulut aller déposer lui-même un mot d’adieu à la porte de sa mère ; pendant qu’il s’y rendait, j’aperçus, au bas de l’escalier, Louise qui pleurait, je courus l’embrasser, en jurant de lui rester fidèle. Mon maître me rejoignit ; et nous partîmes à moitié consolés de nos regrets par ceux que nous laissions, car un poëte l’a dit :

    Quand des yeux d’un ami nous espérons des larmes,
    Un malheur partagé n’est pas sans quelques charmes.