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    Celui-ci sait les peindre, et celui-là les chante.
    Tous remplissent enfin la mission couchante
    De rendre les humains plus heureux et meilleurs,
    De propager partout les talents et les mœurs,
    Et de faire en tous lieux honorer le génie.

En écoutant ces vers, aussi bien retenus que bien récités par M. Ginguené, plusieurs personnes se rangèrent de l’avis du Génie ; mais quelques autres, moins soumises à ses lois, affirmèrent que le génie n’avait pas le sens commun en approuvant l’amalgame ridicule de tant d’éléments divers. Comment peut-on trouver convenable, disaient-ils, de voir au sein d’une académie, l’ancien évêque d’Autun siéger auprès d’un comédien, et l’élégant auteur de Paul et Virginie à côté d’un apothicaire ?

Cela fait pitié… aux gens, interrompit la marquise, qui accoutumés à ne jamais voir dans un homme que sa naissance ou son habit, ne conçoivent rien au rapport qu’établit le mérite ; mais, quelle que soit sa profession, l’artiste, ou le savant qui parvient à la supériorité dans son genre, se place de lui-même au niveau des talents que son pays honore.

— Au fait, reprit M. Ginguené, nous ne saurions décider lequel de Bossuet ou de Molière a mieux corrigé les mœurs de son siècle, car si l’éloquence de l’un a tonné contre l’orgueil des grands, le génie de l’autre a démasqué l’hypocrisie.

— De ces deux fiers combattants, dit en souriant M. de Saumery, le dernier seul a tué son homme. Et je vous le prédis, en dépit des vœux de quelques vieilles dévotes, l’empire des tartufes de religion est à jamais détruit ; la mode en est passée comme celle des chevaliers d’industrie, et des abbés de toilette.

— Mais, dit la marquise à M. Ginguené, vous ne nous parlez pas des applaudissements qu’a obtenus la jolie pièce de vers de M. Andrieux, le Procès du sénat de Capoue. On prétend que c’est un des plus charmants ouvrages de l’auteur ; et votre mémoire a trop bon goût pour n’en avoir pas retenu quelque chose.

— Vraiment, répondit Ginguené, je devrais me la rappeler