Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la parole, qu’il va plaider pour les opprimés contre les oppresseurs. Ah ! quelle que soit la suite de notre révolution, continua Silvestre, j’affirmerais que ce brave citoyen restera, sous tous les despotismes, le fidèle ami de la liberté.

Parler ainsi d’un membre du conseil des cinq-cents, c’était nommer Boissy-d’Anglas[1] ; et je me sus bon gré d’avoir lu sur son visage tout le bien que j’en devais penser. J’appris sans étonnement qu’une grande conformité d’opinions et de conduite politique avait établi, entre le président et lui, une étroite amitié ; et je fis des vœux pour que cette parfaite amitié, fondée sur une si juste estime, résistât aux revers, aux succès et au temps.

   C’est ainsi que la terre avec plaisir ressemble
    Ces chênes, ces sapins qui s’élèvent ensemble ;
    Un suc toujours égal est préparé pour eux ;
    Leur pied touche aux enfers, leur cime est dans les cieux :
    Leur tronc inébranlable, et leur pompeuse tête
    Résiste, en se touchant, au coup de la tempête :
    Ils vivent l’un par l’autre, ils triomphent du temps ;
    Tandis que sous leur ombre on voit de vils serpents
    Se livrer, en sifflant, des guerres intestines,
    Et de leur sang impur arroser leurs racines[2].



XXVI


Le jour fixé pour notre départ était arrivé, et tout se trouvait disposé de manière à ce que madame de Révanne en ignorât le moment. J’avais fait conduire la voiture de mon maître chez M. de Léonville ; les chevaux étaient commandés pour minuit, nous devions sortir sans bagage, et secrètement de la maison ; enfin toutes les mesures étaient prises pour nous assurer le plus profond mystère ; mais ce qui aurait

  1. Ce fut lui qui proposa le premier, mais sans succès, la restitution des biens des condamnés.

  2. Voltaire, discours sur l’Envie.