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rien ; je gage qu’il se croit déjà le vainqueur de l’Italie, comme s’il n’avait qu’à se montrer pour soumettre ce pays, si justement appelé le tombeau des Français.

Gustave attendit la fin de cette tirade, où l’envie se cachait sous l’amour fraternel, pour prendre congé de madame d’Olbiac. Il la pria de témoigner tous ses regrets à madame de Verseuil ; mais lorsqu’il descendit, il fut bien étonné de l’apercevoir elle-même à travers les fenêtres d’un appartement très-éclairé qui donnait sur la cour. Elle paraissait causer debout et très-vivement avec plusieurs personnes qu’une partie des rideaux empêchait de distinguer. Elle riait ; ses gestes étaient fort animés, et toute son attitude démentait la prétendue maladie dont sa belle-sœur l’avait si gratuitement accablée. Gustave, arrêté sur les dernières marches du perron, et les yeux attachés sur ces fenêtres, oubliait que sa voiture était avancée, et n’entendait pas un mot de toutes les invectives que Germain adressait à son cheval, qu’on ne pouvait retenir. Enfin l’animal fougueux est prêt à tout renverser ; Germain s’en effraye, et ses cris réveillent son maître, qui l’accuse avec humeur de ne l’avoir pas prévenu qu’il était là. En vain le pauvre garçon se justifie ; Gustave veut qu’il ait tort ; il est dans cette disposition d’esprit où c’est une bonne fortune que d’avoir un valet à gronder et un cheval à réduire.



XXIV


J’eus, comme un autre, ma part de l’effet de cette visite : Gustave me chercha querelle sur ce que je lui avais dit de madame de Verseuil, me défendit de lui en reparler, et me témoigna le désir de retarder notre départ de quelques jours pour ne pas la rencontrer en route.

— Car il serait par trop désagréable, ajouta-t-il, d’avoir à supporter l’humeur jalouse d’un mari dont on n’aime pas la femme.

Le raisonnement était sans réplique ; et je tombai d’accord que, pour souffrir patiemment les soupçons d’un jaloux, il fallait les mériter.