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comment ne sait-il pas que le plus grand plaisir des femmes est de rendre un amant infidèle !

— Ah ! je ne veux pas croire à ce mauvais sentiment, reprit Gustave ; et si madame de Verseuil en pouvait être capable… Mais, non, j’aurais honte de le supposer… Au reste, ajouta-t-il après un moment de réflexion, peu m’importe de savoir les secrets de son cœur, je n’y ai point de droits… je n’y en aurai probablement jamais… Ainsi n’en parlons plus.

Ces derniers mots furent prononcés du ton que l’on mettrait à s’ordonner un sacrifice et Gustave, entama le récit de ce dernier bal en affectant de vanter les charmes des femmes qui s’y trouvaient, comme pour essayer de se prouver à lui-même que toutes avaient autant de part à son souvenir que madame de Verseuil.

Cependant la visite du lendemain l’occupa jusqu’au moment où il se rendit chez madame d’Olbiac, cette vieille sœur du général Verseuil, commise par lui à la garde de sa femme. Gustave en fut accueilli très-poliment ; mais elle lui dit que sa belle-sœur, retenue dans son appartement par une légère indisposition, n’était pas visible ; ensuite, parlant de son prochain départ pour Nice, elle fit valoir l’amitié qui l’engageait à braver les fatigues d’un long voyage, pour conduire sa chère Athénaïs à son mari. Gustave, bien loin de lui dissimuler les dangers d’une telle entreprise, lui raconta l’aventure de plusieurs voyageurs dévalisés sur cette route, et finit par lui offrir de lui servir d’escorte. La vieille le remercia d’un air embarrassé, et répondit qu’un colonel des amis de son frère ayant promis de les accompagner, elles seraient en sûreté.

D’ailleurs, mon frère peut encore changer d’avis quand il recevra les ordres du nouveau général en chef ; les ordres, répéta-t-elle avec un sourire dédaigneux. Convenez qu’il est un peu dur d’obéir à ceux d’un jeune homme de vingt-six ans, quand on en a presque autant de service, que l’on commande soi-même, et que l’on contient depuis si longtemps une armée qui manque de tout ; car ne vous attendez pas à y trouver la moindre ressource en aucun genre ; mais nous verrons comment ce petit caporal conduira cette troupe de soldats à moitié nus et souvent révoltés. À son âge, on ne doute de