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son empire. C’est là qu’on voit la beauté résister au penchant, sacrifier le plaisir, dompter la passion, et tout cela pour l’amour de l’or. Vraiment la vertu ne ferait pas mieux. Tel qu’il était, ce beau sentiment valut une lettre d’imprécations à mon maître, et la défense de se présenter devant celle qu’il venait peut-être de livrer à une éternelle douleur. Ce congé déplut fort à Gustave ; il pensa que les bonnes grâces de mademoiselle Albertine lui avaient été trop bien acquises pour n’y pas conserver des droits ; et son amour-propre se promit tous les plaisirs d’une douce vengeance.



XXI


Alméric toujours très au courant des nouvelles de Paris, apprit bientôt que son ami s’était battu ; mais comme on ne lui mandait rien du résultat de cette affaire, il se rendit chez madame de Révanne pour en savoir davantage. Il la trouva occupée à lire une lettre de Gustave, et présumant qu’elle disait quelque chose du sujet qui l’amenait, il en parla sans détour ; mais dans la crainte de l’inquiéter, Gustave n’en avait pas fait mention à sa mère ; et ce silence lui parut la preuve évidente du malheur qu’elle supposait. Bien que cette lettre, entièrement écrite de la main de son fils, dût la rassurer, elle se persuada qu’il était blessé dangereusement ; tourmentée de cette idée, elle ordonna en moins d’une heure les préparatifs de son départ, embrassa Lydie, et se mit en route. Nous la vîmes arriver, accompagnée d’Alméric et de M. de Saumery, huit jours après l’aventure de son fils. On n’y pensait déjà plus ; mon maître était rétabli de sa blessure, celle de M. Dolivar commençait à se fermer, et les plaisirs du carnaval étaient la seule affaire sérieuse qui occupât la bonne compagnie de Paris. Gustave s’y livrait avec d’autant moins de réserve, qu’il savait bien n’en pouvoir jouir longtemps ; et sa mère, charmée de le voir se distraire des chagrins d’un premier amour, l’encourageait elle-même à profiter des occasions de s’amuser. Elles s’offraient en foule, et la maison de la marquise réunissait