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— En voulez-vous une meilleure ? c’est qu’il ne vous aime plus.

— Quoi ! en moins de trois heures ?

— Il ne vous en faut pas tant pour plaire ; mais sa voiture est là, vous savez qu’il a des chevaux admirables, et je me reprocherais de les faire attendre.

En finissant ces mots, Gustave offrit sa main à mademoiselle Albertine, et la conduisit dans l’antichambre, où il me donna l’ordre de faire préparer ses chevaux pour six heures du matin ; ensuite j’appelai les gens de M. Dolivar, mademoiselle Albertine s’élança dans son carrosse, Gustave s’y plaça près d’elle, et les coursiers rapides du malheureux rival, complices innocents de l’affront de leur maître, transportèrent bientôt dans l’asile des amoureux plaisirs ce couple d’infidèles.



XX


Le jour commençait à poindre ; je dormais profondément, quoique assez mal étendu sur un fauteuil dans la chambre de mon maître. Une voix me réveille en sursaut ; c’était la sienne.

— Allons, Victor, dépêche-toi : apprête tout ce qu’il me faut pour changer d’habit ; je n’ai pas un moment à perdre.

En disant ces mots, il arrangeait des pistolets et choisissait une épée ; à l’air d’indifférence qu’il avait en prenant de tels soins, je crus d’abord qu’ils étaient pour un autre ; mais un billet adressé à sa mère fixa bientôt mon incertitude. Il n’avait pu l’écrire sans émotion, et j’en vis encore les traces lorsqu’il me dit :

— Si je ne suis pas de retour à midi, tu porteras cette lettre chez M. de Léonville, et tu lui diras que je le prie de partir sur-le-champ pour la remettre lui-même à ma mère.

L’idée d’avoir peut-être à remplir cette triste commission me fit cruellement sentir à quel point j’étais attaché à ce brave, à cet excellent jeune homme ; et je ne saurais expri-