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LA MARQUISE.

Mais si l’on vous aimait, on en serait jalouse.

LE CHEVALIER.

Je puis vous rassurer, madame, je l’épouse.

LA MARQUISE.

Sans l’aimer ?

LE CHEVALIER.

Sans l’aimer ?Ah ! vraiment je me garderais bien
De faire entrer l’amour dans un pareil lien.

LA MARQUISE.

Quoi ! vous l’épouseriez ?

LE CHEVALIER.

Quoi ! vous l’épouseriez ?Sans vous être infidèle,
Sans m’éloigner de vous, je vais trouver près d’elle
Ce calme de l’hymen, où l’âme innocemment,
Des troubles de l’amour se repose un moment.
Je cherche dans ces nœuds un peu de solitude,
Ce bonheur nonchalant qui naît de l’habitude,
Dont la rivalité ne peut vous alarmer.
Et qui laisse à nos cœurs des loisirs pour aimer.

LA MARQUISE à part.

Le monstre ! (Haut.) Ah ! je n’ai pas tant de philosophie,
Tout partage me blesse, et je me glorifie
De ne pouvoir aimer si raisonnablement.
Mais quand vous proposez un tel arrangement,
Vous faites assez voir l’amour qui vous domine ;
Je n’en puis plus douter, vous n’aimez que Delphine.

LE CHEVALIER.

Ingrate ! osez-vous bien me blâmer, entre nous,
D’avoir pris ce chemin pour arriver à vous ?
Pouvais-je, sans danger, essayer de vous plaire,
Braver de vos amis les soupçons, la colère,
Avant d’avoir acquis, par un heureux détour,
Le droit de vous parler à chaque instant du jour ?
Montrant à tous les yeux le trouble de mon âme,