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THERME.

Et comment, s’il vous plaît ?

MATTA.

Et comment, s’il vous plaît ?En obtenant pour lui,
La main du tendre objet qui l’enchaîne aujourd’hui.

THERME, à part.

Peste soit du projet. (Haut.) Quoi, marier mon maître ?
Vous, son meilleur ami ! d’un procédé si traître
Vous êtes incapable…

MATTA.

Vous êtes incapable…Eh ! puis-je faire mieux ?
La nièce du Marquis a de nobles aïeux.

THERME.

Mais pour le marier, songez donc, je vous prie,
À ses goûts inconstants, à son étourderie.

MATTA.

C’est parce que j’y songe, et veux l’en corriger,
Que j’ai formé ce plan ; il est temps de changer
Sa conduite frivole et souvent périlleuse,
Pour l’honnête repos d’une existence heureuse.

THERME.

Cet honnête repos, ou je me trompe fort,
Doit beaucoup ressembler au calme de la mort ;
Et mon maître, monsieur, s’amuse trop à vivre
Pour goûter un conseil si dangereux à suivre.

MATTA.

Il ne s’amuse pas autant que tu le crois,
Et tu peux sur ce fait t’en rapporter à moi :
Depuis plus de dix ans l’amitié nous enchaîne ;
J’ai suivi malgré moi le torrent qui l’entraîne,
Et je sais mieux qu’un autre à quel point ce fracas
De revers, de succès, lui cause d’embarras ;
Et combien fort souvent les soins et les fatigues,
De conduire à la fois une foule d’intrigues,
De jouer sans argent, d’emprunter sans crédit,
Bien loin de l’amuser, lui font perdre l’esprit.