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MATTA.

Avec tes beaux conseils, je te trouve plaisant,
Et voudrais bien te voir à ma place un instant,
Pour me convaincre un peu de ta haute sagesse.

LE CHEVALIER, avec affectation.

On doit tout supporter pour plaire à sa maîtresse.

MATTA.

Oui, lorsqu’on est aimé, mais qui peut m’assurer
Des sentimens qu’ici je croyais inspirer ?
C’est toi, qui certain jour, je m’en souviens encore,
Vins me dire tout bas : Mon ami, l’on t’adore.
Un peu surpris d’abord de ce brusque bonheur,
Je voulus quelque temps douter de ma faveur ;
Mais tu me fis si bien compliment de ma gloire,
Qu’en véritable sot je finis par y croire ;
Et que malgré mon goût, pour céder à tes vœux,
Je me laissai par toi couvrir de rubans bleus.

LE CHEVALIER.

En te faisant porter les couleurs de ta belle,
Je croyais ajouter une grâce nouvelle
À celles qui déjà t’avaient gagné son cœur.

MATTA.

Non, le bleu me sied mal.

LE CHEVALIER.

Non, le bleu me sied mal.Je l’ignorais, d’honneur.

MATTA.

Encore, si pour prix de tant de complaisance,
Quelques moments heureux comblaient mon espérance !

LE CHEVALIER.

Ah ! pour les obtenir, il faut les acheter,
Et contre les délais ne pas se révolter.
D’ailleurs, chaque pays en usage diffère :
À Paris on décide, ici l’on délibère ;
Mais le but est le même ; au temple de l’amour.