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THERME.

Vraiment ?Si vous saviez avec quelle chaleur,
Elle me demandait l’état de votre cœur ;
Et combien en parlant des attraits de sa nièce
Un sentiment jaloux redoublait sa tristesse ;
Vrai, j’en avais pitié.

LE CHEVALIER, avec ironie.

Vrai, j’en avais pitié.L’excellent naturel !
Mais pour la plaindre ainsi, suis-je donc si cruel ?
As-tu peur de me voir, dédaignant sa tendresse,
Par d’insolents mépris outrager sa faiblesse ?
Non certes, je sais trop ce que l’humanité
Réclame en pareil cas d’égards et de bonté,
Pour la femme sensible à qui l’on a su plaire.
Et je vais de ce pas…

THERME, l’arrêtant.

Et je vais de ce pas…Gardez-vous d’en rien faire.
Sur les moindres détails de cet amour discret,
J’ai promis, envers vous, le plus profond secret,
Et ce serait, monsieur, vouloir me compromettre…

LE CHEVALIER.

À cette raison-là chacun doit se soumettre.
Eh bien ! soit… Tu seras d’autant mieux obéi,
Que je veux avant tout savoir de mon ami
S’il adore toujours madame de Sénante.

THERME.

On voit assez vraiment qu’il la trouve charmante ;
Mais de sa passion il est un peu guéri,
Depuis qu’il doit sans cesse amuser le mari.
Savez-vous bien, monsieur, que cette charge est rude,
Et qu’en lui conseillant d’en prendre l’habitude
Pour être mieux reçu, vous avez, entre nous,
Plus exigé de lui qu’on n’obtiendrait de vous ?

LE CHEVALIER.

Cet ennuyeux emploi, j’en conviens, doit déplaire ;
Mais demande aux amants quel en est le salaire ?