contre lui. Déjà l’on discute sa gloire, bientôt on la niera. Que nous restera-t-il alors ?
— Vrais propos de soldat, dit M. de Maizières ; mais quand on entend un Lorency en parler de la sorte, on ne peut s’empêcher de reconnaître à ce Bonaparte au moins une grande connaissance des hommes et un grand talent pour se les concilier. On dit qu’après avoir tout sacrifié à la gloire, il entreprend la conquête des sages, qu’il va tourner aux principes, à la morale, et que la plupart des dames du palais vont être obligées de se retirer ou de se convertir.
— Au fait, dit madame de Cernan, si la nouvelle impératrice est jeune, l’empereur ne se souciera peut-être point de la confier à l’expérience de quelques-unes de ces dames : une jeune âme est si vite pervertie ! Croyez-vous que la duchesse d’Alvano reste ?
— Certainement, elle restera, reprit Ferdinand, au risque de se faire prude ou dévote, selon ce qui conviendra mieux.
En ce moment Adhémar se trouva partagé entre la crainte de paraître prendre trop vivement le parti de la duchesse et la faiblesse d’abandonner à la médisance de ses amis une femme connue pour l’avoir aimé. Dans cet embarras, le sentiment généreux devait l’emporter : il reproche à Ferdinand sa sévérité pour une personne qui l’a toujours traité avec bienveillance, et finit par l’accuser de manquer de franchise avec elle. On devine avec quelle attention Ermance écoutait ce débat.
— Que veux-tu, répond Ferdinand, j’ai changé : je ne la trouve plus si agréable qu’il y a un an ; elle a pris je ne sais quel ton d’assurance pour dire des lieux communs qui m’est insupportable, et puis des airs de cour qui trahissent la bourgeoise… Mais, toi aussi, tu as changé ; conviens que tu ne la trouves plus si belle ?
— Non, vraiment, je n’en conviendrai pas ; tout ce que je puis faire pour toi, ajouta M. de Lorency en souriant, c’est de convenir que, tout en rendant justice à sa beauté, j’en connais de préférables. Le regard qui suivit ces mots fit rougir Ermance de plaisir et de honte.