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supplice seul connu des femmes du grand monde, que les plus profonds chagrins ne dispensent point des devoirs que le plaisir impose. À force de prendre pour ainsi dire la physionomie de ce qu’on fait, on en prend la conversation, et malgré sa tristesse, madame de Lorency se surprit répondant avec toute la légèreté convenable aux questions frivoles de son jeune danseur. Poussée par une curiosité qu’elle n’osait s’avouer, elle le questionna à son tour sur la quantité de souvenirs dont il devait être porteur, et finit par lui faire jurer qu’excepté ceux de l’empereur pour la princesse et celui de M. de Lorency pour elle, il n’avait été chargé d’aucun autre.

— Pas même pour la duchesse d’Ur…

— La duchesse d’Alvano ? interrompit M. H… ; est-ce qu’elle est ici ?

— La voici qui vient vers nous, répondit Ermance sans oser dire qu’elle voulait parler de la duchesse d’Urbino.

— Ah ! je suis bien curieux de la voir, reprit M. H… ; on dit qu’elle fait des passions, et s’amuse par-dessus tout à troubler les ménages. Adrien de Kerville, que vous connaissez peut-être, madame, car il a passé quelques semaines aux eaux, Adrien nous a raconté d’elle des traits de présence d’esprit inconcevables ; il prétend qu’elle a entrepris l’éducation d’une jeune femme ravissante à qui elle fait accroire tout ce qu’elle veut, et cela dans le but honorable de garder pour amant le mari de cette charmante élève.

— Quelle horreur ! s’écria madame de Lorancy se soutenant à peine.

— Tout cela est peut-être un conte d’Adrien ; cependant il avait l’air pénétré d’indignation en nous racontant avec quelle adresse cette madame d’Alvano s’était ménagé l’affection de la jeune femme, sans rien perdre de l’amour du mari.

— Mais êtes vous sûr, monsieur, dit Ermance en venant se rasseoir à sa place, que vous ne vous trompez pas de nom ? c’est peut-être la duchesse d’Urbino qu’on vous a citée.

— Oh ! non madame, je ne saurais m’y méprendre ; la duchesse d’Urbino est ma cousine, je la connais depuis mon