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dupe, excepté Ermance. La duchesse lui avait raconté les instances de M. de Kerville pour être présenté chez elle, et comment il s’était fait un titre de son état de santé et d’une passion malheureuse dont il ne voulait point guérir, pour être reçu plus souvent et avec intérêt.

— Je ne me fais point illusion, avait ajouté Euphrasie, sur la reconnaissance qu’il me témoigne ; je sais qu’elle est toute pour ma patience à répondre aux questions dont il m’accable ; mais les sentiments vrais m’inspirent tant de pitié que je ne refuserai jamais à un pauvre délaissé la consolation d’entendre parler de celle qu’il aime.

Ces mots, jetés dans la conversation, produisirent l’effet qu’on en devait attendre. Dans quel trouble ils plongèrent le cœur d’Ermance ! L’amour d’Adrien, cet amour, dont rien n’avait jusqu’alors attesté l’existence, n’était donc pas un rêve de l’imagination d’Ermance ? Elle était aimée, regrettée : quelle douce pensée à opposer aux dédains, à la froideur insultante d’un mari infidèle !

C’est préoccupée de ces dangereuses réflexions, que madame de Lorency revit Adrien chez la princesse Pauline. On riait aux éclats lorsqu’elle entra dans le salon, et la princesse dit en montrant Adrien :

— C’est ce jeune fou qui nous raconte des histoires de garnison à faire pâmer de rire. Continuez, continuez ; je suis sûre que madame de Lorency s’en amusera beaucoup.

— Je n’en sais plus, madame, répondit M. de Kerville, du ton le plus sérieux, et je prie Votre Altesse d’excuser les sots récits que j’ai osé lui faire.

— Allons, ne vous faites point prier ; il vous siérait mal d’être ici plus sévère que nous. Dites-nous ce qu’est devenue cette jolie petite Allemande qui vous a si bien soigné quand on vous a porté blessé chez son père, après la bataille d’Eylau ? Nous en étions au moment où elle alla vous rejoindre à Paris, et où elle venait vous chercher au balcon de l’Opéra pour que vous l’épousiez tabord,comme elle disait.

— En vérité, madame, c’est une mauvaise action que j’ai grand intérêt à oublier.