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IX


Après des adieux assez froids de part et d’autre, Adhémar partit. En le voyant monter en voiture, Ermance pleura. Surpris de voir les larmes qui coulent sur ses joues, Adhémar se précipite hors de sa calèche et vient serrer Ermance dans ses bras.

— Ces regrets me porteront bonheur, dit-il avec un accent tendre et pénétré, j’en garderai le souvenir, et si je reviens…

Une forte émotion l’empêche de continuer ; il embrasse une seconde fois Ermance, serre la main de son père, remonte en voiture, et les chevaux l’entraînent.

Ermance, stupéfaite du changement qui venait de s’opérer dans Adhémar, de l’affection subite qui avait succédé à ses manières si froidement amicales, restait sur le perron, sans s’apercevoir qu’il n’y avait plus personne, dans la cour. Son père vint la prendre, et la reconduisit dans sa chambre, en lui disant tout ce qu’il pensait devoir la consoler du départ de son mari. Pourtant ce qu’éprouvait sa fille n’était pas de la douleur, c’était un trouble nouveau, une vague espérance qui l’emportait de beaucoup sur le regret d’une présence qui n’avait pas eu jusqu’alors un grand charme pour elle. Son cœur cherchait à s’expliquer le mystère d’une telle émotion, après avoir subi sans bonheur et sans trouble les épreuves du mariage. Ce nouveau sentiment la plongea dans une douce rêverie que M. Brenneval prit pour l’effet d’un chagrin concentré.

Aussitôt il cherche un moyen de distraire Ermance, de lui donner une occasion d’épancher son âme. Il court dès le lendemain chez madame Campan, la supplie de lui confier mademoiselle Dermeuil pour quelques jours, et l’amène bientôt chez son ancienne compagne. Ermance est touchée d’un si tendre soin, et ne doute pas que la présence de son amie ne lui soit doublement précieuse en ce moment. Elle lui raconte naïvement ce qu’elle éprouve depuis qu’elle a reçu l’adieu d’Adhémar.