de son repos intérieur, son rang dans le monde, sa faveur à la cour, tout est déjà sacrifié en idée pour échapper au malheur qu’elle redoute. Elle apprend le prochain départ d’Ermance pour Aix-la-Chapelle ; son parti est pris, elle va s’y rendre ; une souffrance feinte lui servira de prétexte pour obtenir un congé de quelques mois ; et, sans se rendre compte des moyens qu’elle va tenter pour détourner le coup qui la menace, elle sent que sa vie dépend du triomphe de son amour et de sa vanité.
L’effet de cette présentation n’agit pas seulement sur la duchesse d’Avlano : celles dont les prétentions s’élevaient jusqu’à la préférence ou au caprice de l’empereur en prirent de l’ombrage, et la malveillance s’accrut de toute l’admiration qu’on ne pouvait refuser à madame de Lorency.
— Elle est sans doute fort jolie, disait la duchesse de R… à sa voisine, mais quelle femme ne le serait pas avec une parure si recherchée et si ruineuse ! Si elle se fait faire souvent de semblables manteaux, la fortune de son vieux fournisseur de père y passera.
— Que voulez-vous donc, répondait la maréchale M…, il faut bien que la pauvre femme s’amuse à se parer ; on dit qu’elle n’a pas d’autre plaisir, et que son mari reste impitoyablement fidèle à sa maîtresse, comme ont fait Ber…, G…, et tous ceux que l’empereur marie par ordre.
— Si c’est ainsi, dit la vieille madame de S…, je vous prédis qu’elle ira loin, surtout avec M. de Maizières pour guide.
— Quoi ! vous pensez que son mari la confierait à un homme dont il connait mieux que personne la légèreté et les principes ?
— J’en conviens, rien n’est plus difficile à croire qu’un tel aveuglement, reprit madame de S…, si ce n’est l’amitié qui unit depuis si longtemps Adhémar à M. de Maizières. On ne conçoit pas qu’un homme qui mérite et qui aime par-dessus tout la considération s’attache à l’homme du monde qui en fait le moins de cas.
— Quoi de plus simple ! dit le comte B… qui se trouvait près de ces dames ; M. de Maizières a besoin de M. de Lorency