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de mariée, et la montrer à son ami comme étant une des plus jolies personnes qu’il eût jamais rencontrées.

— Si j’avais été plus hardi, ajouta Adrien, j’aurais pu me mettre sur les rangs et tenter aussi la conquête de l’héritière ; elle m’accueillait assez bien lorsque je l’invitais à danser et me faisait des saluts pleins de grâce lorsque je la rencontrais ; mais on m’avait prévenu que le père Brenneval voulait un grand nom, des titres ou beaucoup d’argent, et, comme je n’avais rien à lui offrir de tout cela, je n’ai pas risqué l’aventure ; je m’en repens ; elle est, m a foi, bien jolie, cette mariée !

Et voilà tout ce que ce solennel événement avait produit sur ce jeune Adrien de Kerville, dont le souvenir et l’aspect causaient de si grands ravages dans le cœur d’Ermance.

Dès qu’elle se trouva seule avec Caroline, celle-ci ne manqua pas de lui dire à quel point elle avait souffert pour elle de la présence de M. de Kerville pendant la cérémonie.

— Je craignais à chaque instant, ajoutait-elle, de te voir t’évanouir, car jamais situation n’a été plus affreuse.

— Hélas ! sans ton exclamation, répondait naïvement Ermance, je n’aurais pas su qu’il était là.

— Comment a-t-il eu l’imprudence de se montrer à toi dans un pareil moment ! il faut qu’il ait perdu la tête. Le dépit, le désespoir animaient ses yeux, je tremblais qu’il ne fit une scène. Ah ! ma pauvre amie, je le pressens, ton roman n’est point terminé avec cet homme-là ! il finira par savoir qu’on t’a sacrifiée ; et je suis bien trompée, ou il se vengera de ton malheur !

— Dieu nous en préserve ! s’écria Ermance avec un sentiment d’effroi qui flatta Caroline, car il prouvait l’effet de ses oracles sur l’esprit de son amie.

— Mais, reprit Caroline d’un ton sentencieux, il faut chasser un souvenir dangereux et te consacrer à ton nouvel état ; il n’est point de bonheur complet. Te voilà une des plus grandes dames de la cour ; ta fortune te donne les moyens de satisfaire toutes tes fantaisies : si tu avais épousé avec tout cela un homme qui t’aimât et qui eût ton amour, tu serais trop heureuse.