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à la mode d’associer à ce grand acte de famille tous les gens de sa connaissance, et même tous les grands seigneurs qu’on ne connaît pas. Ermance, un peu distraite de son amour imaginaire par la richesse et le bon goût des présents de noce, se plaisait à entendre vanter sa parure, et prédire l’effet qu’allait produire son entrée dans le monde. L’amour-propre satisfait donnait à sa figure une expression moins sombre, qui l’aurait fort embellie aux yeux d’Adhémar, si quelques mots de Caroline ne l’avaient rendue subitement à sa tristesse.

Cette amie de pension avait obtenu un congé de quinze jours pour assister au mariage de sa jeune compagne ; madame Campan s’était chargée de l’amener chez M. Brenneval, et mademoiselle Caroline Dermeuil, comme toutes les vieilles pensionnaires, excellait dans l’art des rapports officieux et des tracasseries bienveillantes. Fière de montrer l’intérêt qui l’attache à son amie, elle porte un œil soupçonneux sur tout ce qui l’entoure, lui prouve qu’on ne l’aime point assez, lui traduit les procédés les plus simples en oubli, en dédains injurieux, et dans son zèle actif recueille tous les bruits calomnieux ou médisants qui doivent faire prendre en horreur à son amie celui qu’elle doit épouser.

— Pauvre Ermance ! disait Caroline avec l’accent de la plus tendre pitié, toi pour qui j’avais rêvé une si belle destinée ! te livrer ainsi à un homme léger, incapable de t’apprécier, qui n’a vécu jusqu’à présent que pour le plaisir et la vaine gloriole de porter mieux qu’un autre un brillant uniforme ; l’adorateur de femmes qu’on n’ose nommer, et par-dessus tout cela l’amant en titre d’une dame du palais !

— De laquelle ? demanda vivement Ermance.

— Je ne sais, reprit Caroline avec embarras et craignant d’en avoir trop dit… Mais on m’a peut-être trompée en me disant tout cela, je veux le croire au moins, chère Ermance, car ton malheur me serait plus insupportable que le mien.

— Que veux-tu, reprit Ermance en levant les yeux au ciel, je ne suis pas née pour être heureuse !

Et elle se détourna pour essuyer ses larmes.

En ce moment on entendit un grand bruit dans la cour.