Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée

ces sortes de sacrifices, et je parierais que M. de Lorency quitte peut-être pour vous…

— Une femme qu’il adore ! s’écria Ermance ; ah ! que je le voudrais !

— Quoi ! vous ne seriez pas jalouse de le voir vous préférer ?…

— Pourquoi en serais-je offensée ? n’ai-je pas moi-même l’âme préoccupée d’un autre sentiment, et ne serais-je pas bien aise qu’il me donnât le temps d’oublier Adrien ?…

— En effet, reprit madame d’Alvano en cachant un sourire, vous pouvez établir entre vous une amitié tolérante comme on en voit beaucoup, et vous aurez alors tous les profits du mariage sans en subir les inconvénients. Mais, ma chère petite, gardez bien le secret que vous venez de me confier ; il est essentiel à votre repos qu’Adhémar ne puisse le soupçonner.

— Il me punirait sans doute cruellement ! dit Ermance avec l’accent de la terreur.

— Hélas !… répliqua Euphrasie.

Et elle n’ose poursuivre, car ce n’est pas la punition d’Ermance qu’elle redoute, mais bien la sienne ; elle pressent tout ce que tenterait Adhémar pour enlever le cœur de sa femme à un rival, elle sait que l’idée d’être méconnu, dédaigné d’Ermance, l’éloigne seule d’elle ; et tous les soins de la duchesse se bornent à la maintenir dans sa froideur et sa malveillance pour Adhémar. Ce calcul ne se présentait pas à son esprit dans toute son infamie : son cœur, plus faible que méchant, l’eût repoussé ; mais elle croyait céder à une passion délirante, et il est convenu qu’en morale amoureuse tous les moyens sont bons pour conserver celui sans lequel on ne peut vivre.



VI


Tout était disposé pour la signature du contrat, on n’attendait plus que M. de Lorency, dont un billet, daté de Blois, annonçait le retour pour le soir même. Les plus proches parents des mariés avaient seuls été invités, car il n’était pas encore