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ce cœur, rempli de ta pensée, cessera de battre, de t’adorer… tu sentiras qu’il était innocent. »

En voyant l’état où cette lettre plonge Adhémar, M. de Montvilliers devine le malheur qu’il a si souvent redouté ; il sonne, il appelle ; tous ses gens accourent, aucun n’a vu sortir madame de Lorency ; mais le concierge croit avoir aperçu mademoiselle Ogherman, de grand matin, vers la petite porte du parc qui conduit à l’étang des saules.

— L’étang des saules ! s’écrie alors le président ; oui, c’est là qu’il faut courir.

Et tous s’élancent dehors du château, car c’est à qui arrivera le premier. M. de Montvilliers retient Mélanie, qui voulait suivre les autres, et s’aide de son bras pour gagner la cour du château ; mais, arrivé sur le perron, ils aperçoivent une foule de paysans au bout de l’avenue :les uns courent vers le château, tandis que d’autres marchent lentement, comme s’ils portaient un fardeau précieux ; une femme est à leur tête et semble les diriger : c’est Natalie. À cette vue, M. de Montvilliers et sa nièce frémissent ; leurs yeux n’osent plus se fixer sur le groupe qui s’avance, le malheureux vieillard cache sa tête dans ses mains tremblantes, il maudit la mort de l’avoir oublié en pressentant le coup qui le menace.

— Rangez-vous ! rangez-vous ! crie Étienne aux personnes qui encombrent les marches du perron, laissez-nous passer !

En disant ces mots, il soutenait la tête d’Ermance, que plusieurs paysans transportaient au château. L’eau qui découlait de ses vêtements et de sa longue chevelure baignait la trace de leurs pas : elle était pâle, inanimée, et le silence de ceux qui l’entouraient avait quelque chose de funèbre.

— Morte, profère une voix faible.

Et le président veut s’approcher de sa nièce chérie pour l’embrasser une dernière fois. Au même instant, un homme à qui le désespoir a rendu toute sa force, arrache Ermance des bras qui la soutenaient et l’emporte comme un insensé, sans, savoir ce qu’il fait. En vain les cris de Natalie cherchent à le