Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée

sie, aux insultes d’une rivale, ai-je jamais laissé échapper une plainte, un soupir qui trahit ma douleur ? Non ! Trop fière pour Adhémar, je ne voulais ni profaner sa pitié, ni me soustraire à mon supplice. Ah ! cesser d’être à lui, renoncer à le rendre heureux, n’était-ce donc pas assez me punir ?

» Aujourd’hui que la mort et la ruine ont rompu les liens qui m’attachaient au monde, aujourd’hui que ma fortune et ma vie ne sont plus nécessaires à l’existence de personne, je puis enfin disposer de moi. C’est avec confiance, Adhémar, que je remets à vos soins les vieux jours de celui qui m’a toujours chérie comme un père, et que je vous confie aussi le bonheur de Natalie ; achevez mon ouvrage, et le jour de son mariage avec le comte Albert, dites-lui de penser un moment à sa pauvre amie.

» Ne craignez rien des suites de ma disparition : la fuite, ou plutôt la mort de mon père, celle de mon enfant, l’expliqueront assez ; on croira facilement que je n’ai pu leur survivre. Toi seul, Adhémar, toi seul sauras pour qui je meurs ; mais, du jour où mon désespoir a tout révélé, où j’ai changé tes soupçons en mépris, ton indifférence en haine, ce jour-là j’ai cessé d’exister, car je n’avais plus l’espoir de vivre pardonnée. Tu ne m’aimais pas !

» Mais si j’ai perdu le droit de te rendre heureux, je ne serai plus, du moins, un obstacle à ton bonheur : une autre l’accomplira, Ah ! que ne puis-je lui léguer tout l’amour que j’ai pour toi… Cet amour, il fallait te dire adieu, un adieu éternel pour oser t’en parler après l’avoir trahi ; mais on ne trompe plus à cette heure, et tu me croiras.

» Ah ! si tu avais daigné m’accabler de ta colère ! peut-être l’espoir… mais le silence et le mépris, voilà tes vengeurs implacables ! Va, j’ai compris leur muette sentence, et je la subis sans autre regret que de ne plus te revoir, que de ne plus souffrir pour toi. Adhémar, si tu m’avais aimée !… jamais le remords n’eût dévoré ma vie ; mais ton âme est généreuse ; en apprenant la mort qui te délivre, un sentiment de pitié te rendra moins sévère ; tu me plaindras, ta mémoire te retracera, malgré toi, les preuves irrécusables de mon amour, et quand