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se soutenir ; il aperçoit une lettre, elle est à son adresse… Un frisson mortel glace ses sens… ; il l’ouvre, et son émotion, sa crainte augmentent à mesure qu’il lit… ; bientôt il jette un cri… M. de Montvilliers, qui l’avait suivi à pas lents, le voit chanceler, pâlir et tomber presqu’inanimé sur son siége.

Cette lettre, cause de tant d’effroi, la voici :


« Soyez libre, Adhémar, et que votre pardon me suive ; car mon cœur n’a pas été complice de l’erreur qui nous sépare, de ce crime expié par tant de remords et de larmes. Vous saurez un jour par quel fatal entraînement j’ai été précipitée ; comment l’abandon de celui que j’aimais, du seul être qui ait jamais régné sur ma vie, m’a conduite à la honte ; comment, hélas ! l’idée de me venger de vos dédains a pu m’aveugler au point de me rendre indigne de vous… de vous qui étiez tout pour moi ! Ah ! si vous connaissiez le supplice d’un regret semblable dans une âme pure encore, vous sauriez si j’ai mérité le pardon que j’espère ! Que de tourments, que d’humiliations, que d’amour j’ai dévorés en silence. Combien de fois, attirée vers vous par le besoin de m’accuser, de subir votre colère, de vous reprocher aussi ma honte et ma douleur, j’ai été au moment de vous en révéler la cause ! Oui, le ciel m’est témoin que sans l’autorité d’une amitié sacrée, sans les conseils impérieux du seul ami qui me reste, je vous aurais confié ce honteux secret, et vous seriez depuis longtemps délivré de moi. Mais l’homme dont vous honorez le plus les vertus, le noble caractère, a parlé au nom de votre honneur, de votre intérêt ; il m’a condamnée à la contrainte, à l’humilité, aux avilissantes tortures de l’hypocrisie, pour éviter le scandale dont vous auriez été la victime… Je devais obéir ; mais, tout en cédant à cette voix respectable, peut-être même au sentiment qui me rendait votre présence si douloureuse et si chère, vous le savez Adhémar, je n’ai jamais tenté d’inspirer l’amour que j’avais cessé de mériter ; cet amour, dont la seule pensée m’enivrait de joie, je le voyais accorder sous mes yeux à des femmes dont le cœur était loin d’en sentir tout le prix. En proie à tous les transports de la jalou-